Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales
Posté : 23 décembre 2023, 23:40
CHAPITRE XXIX
DE LA MEDISANCE
Pour louablement blâmer les vices d'autrui, il faut que l'utilité ou de celui duquel on parle, ou de ceux à qui lon parle, le requière. On récite devant des filles les privautés indiscrètes de tels et de telles qui sont manifestement périlleuses; la dissolution d'un tel ou d'une telle en paroles ou en contenance, qui sont manifestement lubriques :
Si je ne blâme librement ce mal et que je le veuille excuser, ces tendres âmes qui écoutent, prendront occasion de se relâcher à quelque chose pareille; leur utilité donc requiert que tout franchement je blâme ces choses-là sur le champ, sinon que je puisse réserver à faire ce bon office plus à propos, et avec moins d'intérêt de ceux de qui on parle, en une autre occasion.
Outre cela, encore faut-il quil m'appartienne de parler sur ce sujet, comme quand je suis des premiers de la compagnie, et que, si je ne parle, il semblera que j'approuve le vice ; que si je suis des moindres, je ne dois pas entreprendre de faire la censure.
Mais surtout, il faut que je sois exactement juste en mes paroles, pour ne dire pas un seul mot de trop : par exemple, si je blâme la privauté de ce jeune homme et de cette fille, parce quelle est trop indiscrète et périlleuse, o Dieu, Philothée, il faut que je tienne la balance bien juste, pour ne point agrandir la chose, pas même d'un seul brin.
S'il ny a qu'une faible apparence, je ne dirai rien de cela; s'il ny a qu'une simple imprudence, je ne dirai rien davantage; s'il n'y a ni imprudence, ni vraie apparence du mal, ains seulement que quelque esprit malicieux en puisse tirer prétexte de médisance, ou je n'en dirai rien du tout, ou je dirai cela même.
Ma langue, tandis que je parle du prochain, est en ma bouche comme un rasoir en la main du chirurgien qui veut trancher entre les nerfs et les tendons: il faut que le coup que je donnerai soit si juste, que je ne dise ni plus ni moins que ce qui en est.
Et enfin, il faut surtout observer, en blâmant le vice, dépargner le plus que vous pourrez la personne en laquelle il est.
Il est vrai que des pécheurs infâmes, publics et manifestes, on en peut parler librement, pourvu que ce soit avec esprit de charité et de compassion, et non point avec arrogance et présomption, ni pour se plaire au mal d'autrui; car, pour ce dernier, c'est le fait d'un coeur vil et abject.
J'excepte entre tous, les ennemis déclarés de Dieu et de son Eglise; car ceux-là, il les faut décrier tant qu'on peut, comme sont les sectes des hérétiques et schismatiques, et les chefs d'icelles : c'est charité de crier au loup, quand il est entre les brebis, voire où qu'il soit.
Chacun se donne liberté de juger et censurer les princes, et de médire des nations tout entières, selon la diversité des affections que l'on a en leur endroit :
Philothée, ne faites pas cette faute; car outre l'offense de Dieu, elle vous pourrait susciter mille sortes de querelles.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde