La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange

Postez ici vos intentions de prière.
amidelamisericorde
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CINQUIÈME PARTIE
PROVIDENCE, JUSTICE ET MISÉRICORDE

CHAPITRE III
LA PROVIDENCE ET LA GRACE DE LA BONNE MORT

La doctrine de l'Église et les erreurs contraires


Contrairement au semipélagianisme, le protestantisme et aussi le jansénisme ont faussé le premier principe formulé par saint Augustin, en niant le second ; sous prétexte d'affirmer le mystère de la prédestination, ils ont nié la volonté salvifique universelle et soutenu que Dieu commande parfois l'impossible, et qu'au moment de la mort la fidélité aux préceptes divins n'est pas possible à tous.

On connaît la Ire proposition extraite de l'ouvrage de Jansénius (Denzinger, n° 1092)[153] : Certains commandements de Dieu, selon cette proposition, sont impossibles même pour des hommes justes et non pas seulement pour des justes négligents, somnolents ou n'ayant pas le plein usage de leur raison et de leur volonté, mais pour des justes qui veulent accomplir les préceptes et s'efforcent même de les pratiquer, justis volentibus et conantibus.

Même pour eux l'accomplissement de certains préceptes est impossible, car la grâce qui le rendrait possible leur fait défaut.

Proposition désespérante qui montre toute la distance qui sépare le jansénisme de la vraie doctrine de saint Augustin et de saint Thomas : « Deus impossibilia non jubet ». Cette grave erreur est la négation de la justice de Dieu, et donc de Dieu même ; c'est à plus forte raison la négation de sa miséricorde, de la grâce suffisante offerte à tous ; c'est même la négation de la vraie liberté humaine (libertas a necessitate). Enfin le péché de ce point de vue devient inévitable, dès lors il n'est plus péché, et ne pourrait être sans cruauté éternellement puni.

Les mêmes principes erronés conduisirent les protestants à soutenir que non seulement la prédestination est gratuite, mais que les bonnes œuvres ne sont pas nécessaires au salut des adultes, que la foi suffit. D'où la parole de Luther : « Pecca fortiter et crede fortius ». Pèche fortement, mais crois plus fermement encore à l'application qui t'est faite des mérites du Christ et à ta prédestination.

Ceci n'est plus l'espérance, c'est une impardonnable présomption. Car le jansénisme et le protestantisme oscillent entre la présomption et le désespoir, sans pouvoir trouver la véritable espérance chrétienne et la charité.

Contre cette hérésie le Concile de Trente (sess. VI, cap. 13 et canon 16; Denzinger, nos 806 et 826) définit : « Bien que nous devions tous espérer fermement en Dieu, personne ne peut avoir, sans une révélation spéciale, la certitude absolue qu'il persévérera jusqu'à la fin ».

Le Concile cite ici les paroles de saint Paul : « Ainsi, mes bien-aimés, comme vous avez toujours été obéissants, travaillez à votre salut avec crainte et tremblement... car c'est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire selon son bon plaisir » (Philipp., II, 12).

« Que celui qui croit être debout, prenne garde de tomber » (I Cor., X, 12). Qu'il mette sa confiance dans le Tout-Puissant, seul capable de relever celui qui tombe et de conserver le juste, « qui potens est eum, qui stat, statuere » (Rom., XIV, 4), pour qu'il reste debout dans un monde corrompu et pervers.

Ainsi l'Église maintient la doctrine de l'Évangile au-dessus des divagations de l'erreur, ici au-dessus des hérésies contraires du semipélagianisme et du protestantisme. D'une part les élus sont plus aimés que les autres, mais d'autre part Dieu ne commande jamais l'impossible et veut par amour rendre réellement possible à tous la fidélité à ses préceptes.

Il reste donc, contrairement au semipélagianisme, que la grâce de la bonne mort est un don spécia, et, contrairement au protestantisme et au jansénisme, que, parmi les adultes, ceux-là seuls sont privés du dernier secours qui le refusent, en résistant à la grâce suffisante qui leur est offerte, comme le fit le mauvais larron, si près du Christ rédempteur.

Source : Livres-mystiques.com

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amidelamisericorde
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CINQUIÈME PARTIE
PROVIDENCE, JUSTICE ET MISÉRICORDE

CHAPITRE III
LA PROVIDENCE ET LA GRACE DE LA BONNE MORT

II - Pouvons-nous mériter la grâce de la bonne mort ?


A cette raison profonde, bien des théologiens en ajoutent une autre, qui est une confirmation.

Le mérite proprement dit de condigno, ou fondé en justice, suppose la promesse divine d'une récompense pour telle bonne œuvre. Or Dieu n'a jamais promis la persévérance finale ou la préservation du péché d'impénitence finale, à ceux qui, pendant un temps plus ou moins long, observeraient ses commandements.

Bien plus, la persévérance finale consiste précisément dans cette obéissance jusqu'à la mort, elle ne peut donc être méritée par elle, car elle se mériterait elle-même. Nous revenons ainsi à la raison fondamentale : le principe du mérite ne saurait être mérité.

Et cette raison s'applique, toute proportion gardée, au mérite de congruo, fondé sur les droits de l'amitié qui nous unit à Dieu et dont le principe est aussi l'état de grâce.
Tout cela revient à dire que c'est la Miséricorde Divine et non la justice divine qui nous a mis en état de grâce et qui nous y conserve.

Sans doute le juste peut mériter la vie éternelle, qui n'est pas le principe du mérite, mais le terme. Encore faut-il pour qu'il l'obtienne, qu'il ne perde pas ses mérites, par un péché mortel avant de mourir. Par nos actes de charité nous n'avons pas un droit à être préservé du péché mortel.

C'est la Miséricorde qui nous en préserve. Et c'est là un des grands fondement de l'humilité chrétienne.

On a fait à cette doctrine communément admise par les théologiens une objection assez spécieuse.

On a dit : Qui mérite le plus peu mériter le moins. Or le juste peut mériter de condigno la vie éternelle, qui est plus que la persévérance finale. Donc il peut mériter celle-ci.
A cela saint Thomas répond (ibid. ad 2 et 3) : Qui peut le plus peut le moins, toutes choses égales d'ailleurs, oui ; autrement, non. Or il y a une différence entre la vie éternelle et la persévérance finale. La vie éternelle, loin d'être le principe de l'acte méritoire, en est le terme ; tandis que la persévérance finale n'est que l'état de grâce continué, état qui est, nous l'avons dit, le principe du mérite.

On insiste : Mais qui peut mériter la fin, peut mériter les moyens. Or la persévérance finale ou la bonne mort est le moyen nécessaire pour obtenir la vie éternelle. Et donc elle peut être méritée comme celle-ci.

Les théologiens répondent généralement en niant la majeure prise dans son universalité. Les mérites sont en effet des moyens d'obtenir la vie éternelle, et ils ne sont pourtant pas mérités ; il suffit qu'on puisse les avoir autrement. De même on peut avoir autrement que par le mérite la grâce de la persévérance finale ; on peut l'obtenir par la prière, qui ne s'adresse pas comme le mérite à la justice de Dieu, mais à sa Miséricorde.

On insiste encore : Mais si l'on ne peut mériter la persévérance finale, on ne peut mériter la vie éternelle, qui ne s'obtient qu'après.

D'après ce que nous avons dit, il faut répondre : Le juste peut par n'importe quel acte de charité mériter la vie éternelle, mais ensuite il peut perdre ses mérites par le péché mortel, et il ne recevra pas de fait la vie éternelle que s'il ne perd pas ses mérites ou que s'ils lui sont Miséricordieusement rendus par la grâce de la conversion. Aussi le Concile de Trente, sess. 6, cap. 16 et can. 32, dit-il que le juste peut mériter de recevoir la vie éternelle, si in gratia decesserit, s'il meurt en état de grâce.

Nous revenons à ce qu'a dit saint Augustin et après lui saint Thomas : ce don de la persévérance finale, s'il est donné, c'est par Miséricorde ; s'il n'est pas donné c'est par une juste châtiment de fautes généralement réitérées, qui ont éloigné l'âme de Dieu.

De là dérivent une foule de conséquences tant spéculatives que pratiques, notons seulement celle de l'humilité que nous devons avoir en travaillant avec confiance à notre salut.

Ce que nous venons de dire par un côté est redoutable ; ce qui nous reste à dire est au contraire fort consolant.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE III
LA PROVIDENCE ET LA GRACE DE LA BONNE MORT

II - Pouvons-nous mériter la grâce de la bonne mort ?


A cette raison profonde, bien des théologiens en ajoutent une autre, qui est une confirmation.

Le mérite proprement dit de condigno, ou fondé en justice, suppose la promesse divine d'une récompense pour telle bonne œuvre. Or Dieu n'a jamais promis la persévérance finale ou la préservation du péché d'impénitence finale, à ceux qui, pendant un temps plus ou moins long, observeraient ses commandements.

Bien plus, la persévérance finale consiste précisément dans cette obéissance jusqu'à la mort, elle ne peut donc être méritée par elle, car elle se mériterait elle-même. Nous revenons ainsi à la raison fondamentale : le principe du mérite ne saurait être mérité.

Et cette raison s'applique, toute proportion gardée, au mérite de congruo, fondé sur les droits de l'amitié qui nous unit à Dieu et dont le principe est aussi l'état de grâce.
Tout cela revient à dire que c'est la Miséricorde Divine et non la justice divine qui nous a mis en état de grâce et qui nous y conserve.

Sans doute le juste peut mériter la vie éternelle, qui n'est pas le principe du mérite, mais le terme. Encore faut-il pour qu'il l'obtienne, qu'il ne perde pas ses mérites, par un péché mortel avant de mourir. Par nos actes de charité nous n'avons pas un droit à être préservé du péché mortel.

C'est la Miséricorde qui nous en préserve. Et c'est là un des grands fondement de l'humilité chrétienne.

On a fait à cette doctrine communément admise par les théologiens une objection assez spécieuse.

On a dit : Qui mérite le plus peu mériter le moins. Or le juste peut mériter de condigno la vie éternelle, qui est plus que la persévérance finale. Donc il peut mériter celle-ci.
A cela saint Thomas répond (ibid. ad 2 et 3) : Qui peut le plus peut le moins, toutes choses égales d'ailleurs, oui ; autrement, non. Or il y a une différence entre la vie éternelle et la persévérance finale. La vie éternelle, loin d'être le principe de l'acte méritoire, en est le terme ; tandis que la persévérance finale n'est que l'état de grâce continué, état qui est, nous l'avons dit, le principe du mérite.

On insiste : Mais qui peut mériter la fin, peut mériter les moyens. Or la persévérance finale ou la bonne mort est le moyen nécessaire pour obtenir la vie éternelle. Et donc elle peut être méritée comme celle-ci.

Les théologiens répondent généralement en niant la majeure prise dans son universalité. Les mérites sont en effet des moyens d'obtenir la vie éternelle, et ils ne sont pourtant pas mérités ; il suffit qu'on puisse les avoir autrement. De même on peut avoir autrement que par le mérite la grâce de la persévérance finale ; on peut l'obtenir par la prière, qui ne s'adresse pas comme le mérite à la justice de Dieu, mais à sa Miséricorde.

On insiste encore : Mais si l'on ne peut mériter la persévérance finale, on ne peut mériter la vie éternelle, qui ne s'obtient qu'après.

D'après ce que nous avons dit, il faut répondre : Le juste peut par n'importe quel acte de charité mériter la vie éternelle, mais ensuite il peut perdre ses mérites par le péché mortel, et il ne recevra pas de fait la vie éternelle que s'il ne perd pas ses mérites ou que s'ils lui sont Miséricordieusement rendus par la grâce de la conversion. Aussi le Concile de Trente, sess. 6, cap. 16 et can. 32, dit-il que le juste peut mériter de recevoir la vie éternelle, si in gratia decesserit, s'il meurt en état de grâce.

Nous revenons à ce qu'a dit saint Augustin et après lui saint Thomas : ce don de la persévérance finale, s'il est donné, c'est par Miséricorde ; s'il n'est pas donné c'est par une juste châtiment de fautes généralement réitérées, qui ont éloigné l'âme de Dieu.

De là dérivent une foule de conséquences tant spéculatives que pratiques, notons seulement celle de l'humilité que nous devons avoir en travaillant avec confiance à notre salut.

Ce que nous venons de dire par un côté est redoutable ; ce qui nous reste à dire est au contraire fort consolant.

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CHAPITRE III
LA PROVIDENCE ET LA GRACE DE LA BONNE MORT

III - Comment la grâce de la bonne mort peut elle être obtenue par la prière ?
Quelles doivent être les conditions de cette prière ?


Si le don de la persévérance finale ne peut être à proprement parler mérité, car le principe du mérite ne se mérite pas, il peut être obtenu par la prière, qui s'adresse non pas à la justice de Dieu, comme le mérite, mais à sa Miséricorde.

Nous ne méritons pas tout ce que nous obtenons par la prière ; par exemple, le pécheur en état de mort peut, par une grâce actuelle, prier et obtenir la grâce sanctifiante ou habituelle, qu'il ne saurait mériter, puisque c'est elle qui est le principe du mérite.

Il en est de même de la grâce de la persévérance finale : nous ne pouvons pas à proprement parler la mériter, mais par la prière nous pouvons l'obtenir pour nous et même pour d'autres (cf. saint Thomas, ibid., ad 1). Nous pouvons aussi et nous devons nous disposer à recevoir cette grâce par une vie meilleure.

Ne pas demander la grâce de la bonne mort et ne pas s'y préparer serait même, bien sûr, quoi qu'en aient dit les quiétistes, la plus funeste et la plus insensée des négligences, incuria salutis.

C'est pourquoi Notre-Seigneur nous a appris à dire dans le Pater : « Ne nous laissez pas succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal ». Et l'Église nous fait dire tous les jours : « Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Ainsi soit-il ».

Pouvons-nous par la prière obtenir infailliblement cette grâce de la bonne mort ?
La théologie, s'appuyant sur la promesse de Notre-Seigneur : « Petite et accipietis », nous enseigne que la prière faite en certaines conditions nous obtient infailliblement les biens nécessaires au salut, et par suite la dernière grâce.

Mais quelles sont ces conditions de la prière infailliblement efficace ? - Saint Thomas nous dit (IIa-IIae, q. 83, a. 15, ad 2) : « Il y a quatre conditions : il faut demander pour soi les biens nécessaires au salut, avec piété et persévérance ».

Nous obtenons en effet plus sûrement ce que nous demandons pour nous que ce que nous implorons pour un pécheur, qui résiste peut-être à la grâce au moment où nous prions pour lui[161]. Mais même en demandant pour nous les biens nécessaires au salut, la prière n'est infailliblement efficace que si elle est faite avec piété, humilité, confiance et aussi avec persévérance.

Ainsi seulement elle exprime un désir sincère et profond, non interrompu de notre cœur. Et ici reparaît, avec notre fragilité, le mystère de la grâce : nous pouvons manquer de persévérance dans la prière, comme dans les œuvres méritoires. Et c'est pourquoi nous disons à la sainte messe avant la communion :

« Ne permettez pas, Seigneur, que nous nous séparions jamais de vous, a te nunquam separari permittas ». Ne permettez pas que nous succombions à la tentation de ne pas prier, délivrez-nous du mal de perdre le goût et la volonté de prier ; donnez-nous de persévérer dans la prière, malgré les sécheresses et la lassitude profonde qu'il nous arrive parfois d'éprouver.

Toute notre vie est ainsi enveloppée de mystère chacun de nos actes salutaires suppose le mystère de la grâce, et chacun de nos péchés est un mystère d'iniquité, qui suppose une permission divine du mal en vue d'un bien supérieur, qui ne se verra clairement qu'au ciel. « Justus ex fide vivit ».

Ce n'est pas seulement pour mériter que nous avons besoin d'être aidés jusqu'à la fin, c'est aussi pour prier.

Comment obtiendrons-nous ce secours nécessaire pour persévérer dans la prière ? En nous rappelant la parole du Sauveur : « Si vous demandez à mon Père une chose en mon nom, il vous la donnera ; vous n'avez encore rien demandé en mon nom ». (Jean, XVI, 23, 24).

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE III
LA PROVIDENCE ET LA GRACE DE LA BONNE MORT

III - Comment la grâce de la bonne mort peut elle être obtenue par la prière ?
Quelles doivent être les conditions de cette prière ?


Nous devons prier au nom du Sauveur ; cela purifie et fortifie singulièrement notre intention ; c'est plus que l'épée de Brennus dans la balance.

Nous devons aussi lui demander de prier pour nous. Or sa prière continue tous les jours pour nous à la sainte messe, ou, comme le dit le Concile de Trente, il ne cesse de s'offrir par le ministère de ses prêtres, et de nous appliquer les mérites de sa Passion.

Si la grâce de la bonne mort ne peut être méritée, mais seulement obtenue par la prière, il faut pour l'obtenir recourir à la plus grande, à la plus efficace de toutes les prières, à celle de Notre-Seigneur, prêtre principal au sacrifice de la messe.

C'est pourquoi le Pape Benoît XV, dans une lettre au Directeur de l'archiconfrérie de Notre-Dame de la bonne mort, a vivement recommandé aux fidèles de faire célébrer des messes de leur vivant pour obtenir la grâce de la bonne mort.

C'est en effet la plus grande grâce, celle des élus, et si, au dernier moment, nous nous unissons par un grand acte d'amour au sacrifice du Christ perpétué sur l'autel, nous pouvons même obtenir la remise de la peine temporelle due à nos péchés et éviter le purgatoire.

Pour obtenir cette grâce de la persévérance finale, il convient donc de nous unir souvent à la consécration eucharistique qui est l'essence du sacrifice de la messe, et de nous y unir en pensant aux quatre fins du sacrifice : l'adoration, la supplication, la réparation et l'action de grâces. Pensons que Jésus, en continuant de s'offrir ainsi, offre tout son corps mystique, spécialement les âmes qui souffrent surnaturellement, un peu comme il a souffert.

Ceci va très loin, si l'on persévère dans cette voie. Si nous nous unissons souvent ainsi au sacrifice de la messe et aux messes qui se célèbrent tout le long du jour à la surface de la terre, là où le soleil se lève, alors nous nous disposons le mieux possible à faire une bonne mort, c'est-à-dire à nous unir aux messes qui se célébreront, près ou loin de nous, en cette heure dernière de notre vie.

Nous ferons alors de notre mort, en union avec le sacrifice du Christ continué en substance sur l'autel, un sacrifice d'adoration devant le souverain domaine de Dieu, maître de la vie et de la mort, devant la majesté de Celui « qui conduit à toute extrémité et qui en ramène » (Tob., XIII, 2), un sacrifice de supplication pour obtenir la dernière grâce pour nous et pour ceux qui mourront à la même heure, un sacrifice de réparation, pour toutes les fautes de notre vie, un sacrifice d'action de grâces pour tous les bienfaits reçus depuis le baptême.

Ce sacrifice ainsi fait avec un ardent amour de Dieu pourra nous ouvrir aussitôt les portes du ciel, comme il les ouvrit au bon larron mourant à côté de Notre-Seigneur, lorsqu'il achevait de célébrer sa messe sanglante, le sacrifice de la croix.

Avant d'arriver à cette dernière heure, nous devons souvent prier pour les mourants. On trouve à la porte de certaines chapelles cette petite inscription : Priez pour ceux qui vont mourir pendant que se célébrera la sainte messe.

Un écrivain français fut un jour très frappé par cette inscription : il pria ainsi pour les mourants tous les jours qui suivirent en assistant à la messe ; puis il tomba gravement malade pendant des années, et, ne pouvant plus aller à la messe, il offrit quotidiennement ses souffrances pour ceux qui meurent dans la journée. Il eut ainsi la joie d'obtenir plusieurs conversions très inattendues, in extremis.

Prions aussi pour les prêtres qui assistent les mourants ; c'est un si grand ministère que d'assister une âme à l'agonie, au dernier combat ! Prions pour que le prêtre arrive assez tôt, pour qu'il obtienne du ciel le moment de lucidité voulu lorsque le malade est déjà dans une profonde torpeur, pour qu'il puisse lui suggérer les plus grands sacrifices que Dieu demande, pour que sa prière sacerdotale faite au nom du Christ, de Marie, de tous les Saints, obtienne la dernière grâce, la grâce des grâces.

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CHAPITRE III
LA PROVIDENCE ET LA GRACE DE LA BONNE MORT

III - Comment la grâce de la bonne mort peut elle être obtenue par la prière ?


Le prêtre, qui assiste ainsi les mourants, a quelquefois l'immense consolation de voir pour ainsi dire Notre-Seigneur sauver les âmes au milieu de leurs souffrances du dernier moment. Et après avoir prié peut-être pour obtenir la guérison, il finit, en voyant l'âme bien disposée à la mort, par dire avec une grande confiance et une grande paix cette admirable prière de l'Église : « Kyrie eleison, Christe eleison, Kyrie eleison... Proficiscere, anima christiana, de hoc mundo, in nomine Dei Patris omnipotentis, qui te creavit, in nomine Jesu Christi Filii Dei vivi, qui pro te passus est, in nomine Spiritus Sancti, qui in te effusus est... »

« Sortez de ce monde, âme chrétienne, au nom de Dieu le Père tout-puissant, qui vous a créée, au nom de Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, qui a souffert pour vous, au nom de l'Esprit-Saint, qui est descendu sur vous, au nom de la glorieuse et sainte Mère de Dieu, la Vierge Marie, au nom du bienheureux Joseph, époux prédestiné de la Vierge, au nom des anges et des archanges..., au nom des patriarches, des prophètes, des apôtres, des évangélistes, au nom des martyrs, des confesseurs, au nom de tous les saints et de toutes les saintes de Dieu.

Qu'aujourd'hui votre habitation soit dans la paix et votre demeure dans la Jérusalem céleste, par Jésus-Christ, Notre-Seigneur ».

Le mystère du salut

A la lumière d'une sainte mort s'éclaire ainsi pour nous le mystère de la prédestination, le mystère terrible et doux du choix des élus. Nous saisissons mieux les deux grands principes, formulés par saint Augustin et par saint Thomas, que nous citions au début de ce chapitre. D'une part, « comme l'amour de Dieu est cause de tout bien, nul ne serait meilleur qu'un autre, s'il n'était plus aimé par Dieu ». Nul ne serait meilleur qu'un autre par un acte salutaire initial ou final, par un acte salutaire facile ou difficile, commencé ou continué, s'il n'était plus aimé par Dieu. En ce sens Notre-Seigneur a dit des élus : « personne ne pourra les ravir de la main de mon Père ». Il parlait ici de l'efficacité de la grâce, qui fait dire à saint Paul : « Qui est-ce qui te distingue ? Qu'as-tu que tu ne l'aies reçu ? » Quelle leçon plus profonde d'humilité ?

D'autre part, Dieu ne commande jamais l'impossible et par amour il rend réellement possible à tous, surtout à tous les mourants, l'accomplissement de ses préceptes, et ils ne sont privés de la dernière grâce que s'ils la refusent par résistance au dernier appel.

Et donc, comme le disent saint Augustin et saint Thomas, si la grâce de la persévérance finale est accordée, c'est par miséricorde, comme elle le fut au bon larron ; si elle n'est pas accordée, c'est par un juste châtiment de fautes généralement réitérées et par un juste châtiment aussi de la dernière résistance, comme il advint pour le larron impénitent qui se perdit, en mourant si près du Rédempteur.

Comme le dit saint Prosper, en des paroles redites par un Concile du IXe siècle : « Si certains sont sauvés, c'est par le don du Sauveur ; si d'autres se perdent, c'est par leur faute ».

Comment ces deux grands principes, si certains chacun pris à part, le principe de l'efficacité de la grâce et celui du salut possible à tous, se concilient-ils intimement ? Saint Paul répond : « O altitudo divitiarum sapientiæ et scientiæ Dei ; quam incomprehensibilia sunt judicia ejus et investigabiles viæ ejus » ! - « O élévation des richesses de la sagesse et de la science de Dieu ! que ses jugements sont incompréhensibles et ses voies impénétrables » (Rom., XI, 33).

Nulle intelligence créée ne peut voir l'intime conciliation de ces deux principes, avant d'avoir reçu la vision béatifique. Voir cette intime conciliation, serait voir comment l'infinie Justice, l'infinie Miséricorde et la souveraine Liberté s'unissent et s'identifient, sans aucune distinction réelle, dans la Déité, dans la vie intime de Dieu, dans ce qui est ineffable en Lui, en cette perfection qui lui est absolument propre et naturellement incommunicable aux créatures, en la Déité en tant qu'elle est supérieure à l'être, à l'un, au vrai, au bien, à l'intelligence, à l'amour ; car toutes ces perfections absolues peuvent être naturellement participées par les créatures, tandis que la Déité n'est participable que par la grâce sanctifiante, participation de la nature divine, non pas seulement en tant qu'elle est vie intellectuelle, mais en tant qu'elle est vie proprement divine, principe par lequel Dieu se voit immédiatement et s'aime.

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CHAPITRE III
LA PROVIDENCE ET LA GRACE DE LA BONNE MORT

Le mystère du salut


Pour voir l'intime conciliation des principes dont nous parlons, il faudrait voir l'essence divine.

Plus ces deux principes à concilier deviennent évidents pour nous, plus, par contraste, apparaît obscure, d'une obscurité translumineuse, l'éminence de la vie intime de Dieu, en laquelle ils s'unissent.

Ces deux principes sont comme les deux parties d'un demi-cercle éblouissant, au-dessus duquel se trouve, pour parler comme les mystiques, la grande ténèbre, qui n'est autre que « la lumière inaccessible où Dieu habite ». (I Tim., VI, 16).

Tel nous paraît être fort imparfaitement exprimé l'objet, nous ne dirons pas seulement de la spéculation, mais de la contemplation augustinienne, qui a inspiré constamment saint Thomas en ces difficiles questions.

L'obscurité divine du mystère dont nous parlons dépasse de beaucoup la théologie discursive, c'est l'objet propre de la foi, fides est de non visis, et de la foi éclairée par les dons d'intelligence et de sagesse, fides donis illustrata.

De ce point de vue supérieur, la contemplation de ce mystère terrible et doux devient pacifiante, comme l'écrivait Bossuet, tout pénétré de cette doctrine, à une personne tourmentée par toutes sortes de pensées au sujet de la prédestination : « Ces pensées, lui écrivait-il, quand elles viennent dans l'esprit, et que l'on fait de vains efforts pour les dissiper, doivent se terminer à un abandon total de soi-même à Dieu, assuré que notre salut est infiniment mieux entre ses mains qu'entre les nôtres ; et c'est là seulement qu'on trouve la paix.

C'est là que doit aboutir toute la doctrine de la prédestination, et ce que doit produire le secret du souverain Maître qu'il faut adorer et non pas prétendre sonder.

Il faut se perdre dans cette hauteur et dans cette profondeur impénétrable de la sagesse de Dieu et se jeter comme à corps perdu dans son immense bonté, en attendant tout de lui, sans néanmoins se décharger du soin qu'il nous demande pour notre salut... La fin de ce tourment doit être de vous abandonner à Dieu, qui par ce moyen sera obligé, par sa bonté et par ses promesses, de veiller sur vous. Voilà le vrai dénouement pour nous, durant le temps de cette vie, de toutes les pensées qui vous viennent sur la prédestination : après cela il faut se reposer, non sur soi, mais uniquement sur Dieu et sur sa bonté paternelle ».

Bossuet parle de même dans un des plus beaux chapitres de ses Méditations sur l'Évangile, IIe partie, 72e jour : « L'homme superbe craint de rendre son salut trop incertain, s'il ne le tient en sa main, mais il se trompe. Puis-je m'assurer sur moi-même ? Mon Dieu, je sens que ma volonté m'échappe à chaque moment : et si vous vouliez me rendre le seul maître de mon sort, je refuserais un pouvoir si dangereux à ma faiblesse.

Qu'on ne me dise donc pas que cette doctrine de grâce et de préférence met les bonnes âmes au désespoir. Quoi ! on pense me rassurer davantage, en me renvoyant à moi-même, et en me livrant à mon inconstance ? Non, mon Dieu, je n'y consens pas. Je ne puis trouver d'assurance qu'en m'abandonnant à vous.

Et j'y en trouve d'autant plus, que ceux à qui vous donnez cette confiance, de s'abandonner tout à fait à vous, reçoivent dans ce doux instinct la meilleure marque qu'on puisse avoir sur la terre de votre bonté ». Confitemini Domino, quoniam bonus... (Ps. CXVII).

Telle nous paraît être, nous l'avons montré ailleurs, la vraie pensée de saint Augustin en ce qu'elle a de plus élevé, lorsque finalement, au-dessus de tout discours, elle se repose dans l'obscurité divine du mystère, où doivent se concilier ses aspects en apparence les plus opposés.

Formulés en ces deux principes : Dieu ne commande jamais l'impossible. - Nul ne serait meilleur, s'il n'était plus aimé par Dieu, ces deux aspects du mystère sont, dans la nuit de l'esprit, comme deux étoiles de première grandeur, extrêmement lumineuses, mais elles ne suffisent pas à nous montrer les dernières profondeurs du firmament, le secret de la Déité.

Source : Livres-mystiques.com

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CINQUIÈME PARTIE
PROVIDENCE, JUSTICE ET MISÉRICORDE

CHAPITRE III
LA PROVIDENCE ET LA GRACE DE LA BONNE MORT

Le mystère du salut


Avant d'avoir reçu la vision béatifique, la grâce par un instinct secret nous tranquillise sur la conciliation intime de l'infinie Justice et de l'infinie Miséricorde dans la Déité, et elle nous tranquillise ainsi, précisément parce qu'elle est une participation de la Déité et de la lumière de vie, très supérieure à la lumière naturelle de l'intelligence angélique ou de l'intelligence humaine.

Certes toute notre vie intérieure est enveloppée de mystère et de même chacun de nos actes, car tout acte salutaire suppose le mystère de la grâce qui nous le fait produire, et tout péché est un mystère d'iniquité, qui suppose la permission divine du mal en vue d'un bien supérieur, qui nous échappe souvent, et que nous ne verrons clairement qu'au ciel.

Mais dans cette obscurité de la foi, qui est aussi celle de la contemplation ici-bas, ce qui nous rassure, c'est de penser que Dieu est sauveur, que le Christ Jésus est mort pour nous, que son sacrifice se perpétue en substance sur l'autel, et que notre salut est plus assuré entre ses mains qu'entre les nôtres ; nous sommes plus sûrs en effet de la rectitude des intentions divines que de la rectitude de nos intentions les meilleures.

Abandonnons-nous, avec confiance et amour, à l'infinie Miséricorde, c'est le plus sûr moyen d'obtenir d'elle qu'elle s'incline vers nous en ce moment et à l'heure même de notre mort.

Rappelons-nous souvent les belles paroles du Psaume LIV, 23, qui reviennent tous les huit jours, le mercredi à l'office de Tierce : « Jacta super Dominum curam tuam et ipse te enutriet ; non dabit in æternum fluctuationem justo. - Repose-toi de tes soucis sur le Seigneur et il te nourrira ; il ne laissera pas le juste chanceler à jamais ».

Pensons au très beau cantique du vieux Tobie (Tobie, XIII, 2) « Magnus es Domine in æternum et omnia sæcula regnum tuum ; quoniam tu flagellas et salvas, deducis ad inferos et reducis...

Ipse castigavit nos propter iniquitates nostras, et ipse salvabit nos propter misericordiam suam. Vous êtes grand, Seigneur, dans l'éternité, et votre règne s'étend à tous les siècles. Car vous châtier et vous sauvez vous conduisez au tombeau et vous en ramenez. Célébrez le Seigneur, enfants d'Israël..., il nous a châtiés à cause de nos iniquités et il nous sauvera à cause de sa miséricorde ».

Dans cet abandon nous trouverons la paix. Lorsque le Sauveur mourait pour nous, s'unissaient en sa sainte âme la plus vive souffrance, causée par nos péchés, et la paix la plus profonde. De même dans toute mort chrétienne, comme en celle du bon larron, il y a une union très intime de souffrance, de sainte crainte, de tremblement devant l'infinie justice, et de paix profonde. C'est même la paix ou la tranquillité de l'ordre qui domine, comme lorsque Notre-Seigneur dit en mourant : « Consummatum est... Pater, in manus tuas commendo spiritum meum ».

CHAPITRE IV

LA PROVIDENCE ET LA CHARITÉ ENVERS LE PROCHAIN


Comme nous l'avons vu au chapitre précédent, un des plus grands moyens par lesquels s'exerce la Providence est la charité envers le prochain, qui doit unir tous les hommes pour qu'ils s'entr'aident à marcher vers le même but : la vie éternelle.

Ce sujet est toujours du plus grand intérêt, et il importe d'y revenir souvent, surtout à notre époque où la charité à l'égard du prochain est niée somme toute par l'individualisme sous toutes ses formes, et complètement faussée par l'humanitarisme des communistes et des internationalistes.

L'individualisme ne s'élève pour ainsi dire pas au-dessus de la recherche de l'utile et du délectable pour l'individu, ou tout au plus pour le groupe relativement restreint auquel appartient l'individu. De là l'âpreté de la lutte, parfois entre les membres d'une famille, surtout entre les classes et les peuples.

De là la jalousie, l'envie, la discorde, la haine, les divisions les plus profondes. C'est la méconnaissance du bien commun à des degrés divers, et l'affirmation presque exclusive des droits individuels ou particuliers.

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CINQUIÈME PARTIE
PROVIDENCE, JUSTICE ET MISÉRICORDE

CHAPITRE IV

LA PROVIDENCE ET LA CHARITÉ ENVERS LE PROCHAIN


Par opposition, l'humanitarisme des communistes et des internationalistes affirme tellement les droits de l'humanité en général, plus ou moins identifiée d'une façon panthéistique avec Dieu, que les droits des individus, des familles, des peuples, disparaissent, et, sous prétexte d'unité, d'harmonie et de paix, on prépare la pire des confusions, le pire désordre, comme celui qui se voit en Russie depuis la révolution.

Vouloir que, dans un organisme, toutes les parties aient la perfection de la tête, ou supprimer la tête parce qu'elle est plus parfaite que les membres, c'est détruire l'organisme tout entier.

Il est de toute évidence que la vérité se trouve en ces deux erreurs extrêmes et au-dessus d'elles. A égale distance de l'individualisme et du communisme, elle affirme les droits des individus, des familles, et des peuples, et aussi les exigences du bien commun supérieur à tout bien particulier.

C'est ainsi qu'une juste conception des choses veille au bien individuel par la justice commutative, qui règle les échanges entre particuliers, par la justice distributive ou distribution proportionnelle des choses d'utilité commune et des charges, et elle veille aussi au bien commun par la justice légale, selon laquelle doivent s'élaborer et s'observer de justes lois, et par l'équité, qui est attentive à l'esprit de la loi dans les circonstances exceptionnelles où la lettre de la loi ne saurait être appliquée.

Ces quatre espèces de justice, admirablement distinguées par Aristote, et fort bien expliquées par saint Thomas dans son traité de Justitia (IIa-IIae, q. 58, 61, 120), suffisent en un sens à garder le juste milieu au-dessus des erreurs contraires de l'individualisme et du communisme humanitaire. La doctrine de saint Thomas n'est certes pas assez connue sur ce point ; elle pourrait faire l'objet de travaux des plus intéressants et des plus utiles.

Mais ces quatre espèces de justice : justice commutative, justice distributive, justice légale ou sociale, et équité, si parfaites qu'elles puissent devenir, même éclairées par la foi chrétienne, ne sauraient atteindre la perfection de la charité envers Dieu et envers le prochain qui a un objet formel incomparablement supérieur.

Rappelons quel est l'objet premier de la charité et quel est son objet secondaire. Nous verrons ensuite comment pratiquer cette charité envers le prochain et comment s'exécute par elle le plan de la Providence.

Quel est l'objet premier et le motif formel de la charité ?

L'objet premier de la charité est très au-dessus du bien propre de l'individu, au-dessus de celui de la famille, au-dessus de celui de la patrie, de celui même de l'humanité. C'est Dieu, que nous devons aimer par-dessus tout, plus que nous-mêmes, car il est infiniment meilleur que nous. C'est le premier précepte : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces, de tout ton esprit ». (Luc, X, 27).

Ce précepte suprême, auquel tous les autres préceptes et tous les conseils sont subordonnés, est un précepte d'ordre surnaturel, mais il correspond aussi à une inclination naturelle, bien plus, à l'inclination primordiale de notre nature et même en un sens de toute nature créée.

Il y a en nous naturellement certes l'instinct de conservation individuelle, aussi l'instinct de la conservation de l'espèce, l'inclination qui nous porte à défendre notre famille, notre patrie, à aimer aussi tous nos semblables ; mais plus profondément encore, comme l'a montré saint Thomas (Ia, q. 60, a. 5), il y a dans notre nature une inclination qui nous porte à aimer Dieu, auteur de notre nature, plus que nous.

– Pourquoi ? - Parce que ce qui par sa nature même appartient à un autre, comme la partie au tout, la main au corps, est naturellement plus incliné à aimer cet autre que soi-même. C'est ainsi que la main se sacrifie spontanément pour sauver le corps.

Or toute créature, en tout ce qu'elle est, dépend nécessairement de Dieu, créateur et conservateur de notre être, et donc toute créature est naturellement inclinée à aimer à sa manière son Créateur plus qu'elle-même.

Source : Livres-mystiques.com

Saintes Pâques à vous !
amidelamisericorde
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CHAPITRE IV

LA PROVIDENCE ET LA CHARITÉ ENVERS LE PROCHAIN  

Quel est l'objet premier et le motif formel de la charité ?


C'est ainsi que la pierre tend vers le centre de la terre, pour la cohésion de l'univers, pour le bien même de l'univers, qui est une manifestation de la bonté rayonnante de Dieu. C'est ainsi que la poule, comme le dit Notre-Seigneur, rassemble ses poussins sous ses ailes, pour les défendre contre le milan, et sacrifie, s'il le faut, sa vie individuelle, pour le bien de son espèce, partie du bien de l'univers.

Cette inclination naturelle primordiale est éclairée, chez l'homme et chez l'ange, par la lumière de l'intelligence, et elle nous porte ainsi à aimer plus que nous, de façon plus ou moins consciente, Dieu auteur de notre nature.

Sans doute cette inclination naturelle a été diminuée par le péché originel, mais, malgré cette atténuation, elle subsiste comme la nature même de cette faculté spirituelle, impérissable, qu'est notre volonté.

C'est cette inclination naturelle qui est surélevée par la vertu surnaturelle ou infuse de charité, qui est d'un ordre infiniment supérieur à la nature humaine et même à la nature angélique. A la lumière de la foi infuse, la charité nous fait aimer plus que nous et par-dessus tout Dieu, non plus seulement comme auteur de notre nature, mais comme auteur de la grâce, Dieu « qui nous a aimés le premier », en nous donnant, non seulement l'existence, la vie, l'intelligence, mais aussi et surtout la grâce sanctifiante, germe de la vie éternelle, germe qui doit s'épanouir un jour dans la vision immédiate de l'essence divine, et dans un amour surnaturel très saint que rien ne pourra détruire ni amoindrir.
Tel est l'objet premier de la charité : Dieu, qui nous a aimés le premier, qui nous a communiqué une participation de sa vie intime. C'est pourquoi la charité est une amitié entre Dieu et nous.

Quant au motif formel pour lequel nous devons aimer Dieu, c'est qu'il est infiniment bon en lui-même, infiniment meilleur que nous, et meilleur que tous les dons qu'il peut nous accorder.

Si l'on ne pense pas constamment à cet objet premier et au motif formel de la charité, on ne peut rien comprendre à la façon dont elle doit aimer son objet secondaire.
Il n'y a pas en effet deux vertus de charité, l'une relative à Dieu, l'autre relative au prochain. C'est une seule et même vertu théologale, principe de ces deux amours essentiellement subordonnés.

La charité ne peut rien vouloir que par rapport à Dieu, pour l'amour de Dieu, comme la vue ne peut rien voir que par la couleur et par rapport à elle, comme l'ouïe ne peut rien entendre que le son et ce qui est sonore. Mais pour l'amour de Dieu nous devons aimer tout ce qui a rapport à lui.

Quel est l'objet secondaire de la charité ?

Il nous est exprimé dans le second précepte : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même pour l'amour de Dieu ». L'objet secondaire de la charité c'est d'abord nous-mêmes, en ce sens que nous devons nous aimer saintement nous-mêmes et désirer le salut pour glorifier Dieu éternellement ; l'objet secondaire de la charité c'est ensuite le prochain, que nous devons aimer comme nous-mêmes, pour l'amour de Dieu, c'est-à-dire que nous devons désirer au prochain les biens nécessaires au salut, le salut lui-même, pour qu'avec nous il glorifie Dieu éternellement.

Notre-Seigneur nous présente l'amour du prochain comme la conséquence nécessaire, le rayonnement et le signe de l'amour de Dieu : « Aimez-vous les uns les autres, c'est à ce signe qu'on reconnaîtra que vous êtes mes disciples ». (Jean, XIII, 35). Saint Jean dit : « Si quelqu'un prétend aimer Dieu et s'il a la haine de son frère, il est un menteur ». (I Jean, IV, 20).

La charité pour le prochain, on le voit, diffère infiniment de l'inclination naturelle qui nous porte à faire du bien pour plaire, qui nous porte à aimer les bienfaisants, à haïr ceux qui nous font du mal, à rester indifférents aux autres. L'amour naturel nous fait aimer le prochain pour ses bonnes qualités naturelles et les bienfaits que nous en recevons. Le motif de la charité est tout autre, la preuve en est que nous devons même « aimer nos ennemis, faire du bien à ceux qui nous haïssent, prier pour ceux qui nous persécutent ». (Matth., V, 44, Luc, VI, 27, 35).

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CHAPITRE IV

LA PROVIDENCE ET LA CHARITÉ ENVERS LE PROCHAIN  

Quel est l'objet premier et le motif formel de la charité ?


C'est ainsi que la pierre tend vers le centre de la terre, pour la cohésion de l'univers, pour le bien même de l'univers, qui est une manifestation de la bonté rayonnante de Dieu. C'est ainsi que la poule, comme le dit Notre-Seigneur, rassemble ses poussins sous ses ailes, pour les défendre contre le milan, et sacrifie, s'il le faut, sa vie individuelle, pour le bien de son espèce, partie du bien de l'univers.

Cette inclination naturelle primordiale est éclairée, chez l'homme et chez l'ange, par la lumière de l'intelligence, et elle nous porte ainsi à aimer plus que nous, de façon plus ou moins consciente, Dieu auteur de notre nature.

Sans doute cette inclination naturelle a été diminuée par le péché originel, mais, malgré cette atténuation, elle subsiste comme la nature même de cette faculté spirituelle, impérissable, qu'est notre volonté.

C'est cette inclination naturelle qui est surélevée par la vertu surnaturelle ou infuse de charité, qui est d'un ordre infiniment supérieur à la nature humaine et même à la nature angélique. A la lumière de la foi infuse, la charité nous fait aimer plus que nous et par-dessus tout Dieu, non plus seulement comme auteur de notre nature, mais comme auteur de la grâce, Dieu « qui nous a aimés le premier », en nous donnant, non seulement l'existence, la vie, l'intelligence, mais aussi et surtout la grâce sanctifiante, germe de la vie éternelle, germe qui doit s'épanouir un jour dans la vision immédiate de l'essence divine, et dans un amour surnaturel très saint que rien ne pourra détruire ni amoindrir.
Tel est l'objet premier de la charité : Dieu, qui nous a aimés le premier, qui nous a communiqué une participation de sa vie intime. C'est pourquoi la charité est une amitié entre Dieu et nous.

Quant au motif formel pour lequel nous devons aimer Dieu, c'est qu'il est infiniment bon en lui-même, infiniment meilleur que nous, et meilleur que tous les dons qu'il peut nous accorder.

Si l'on ne pense pas constamment à cet objet premier et au motif formel de la charité, on ne peut rien comprendre à la façon dont elle doit aimer son objet secondaire.
Il n'y a pas en effet deux vertus de charité, l'une relative à Dieu, l'autre relative au prochain. C'est une seule et même vertu théologale, principe de ces deux amours essentiellement subordonnés.

La charité ne peut rien vouloir que par rapport à Dieu, pour l'amour de Dieu, comme la vue ne peut rien voir que par la couleur et par rapport à elle, comme l'ouïe ne peut rien entendre que le son et ce qui est sonore. Mais pour l'amour de Dieu nous devons aimer tout ce qui a rapport à lui.

Quel est l'objet secondaire de la charité ?

Il nous est exprimé dans le second précepte : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même pour l'amour de Dieu ». L'objet secondaire de la charité c'est d'abord nous-mêmes, en ce sens que nous devons nous aimer saintement nous-mêmes et désirer le salut pour glorifier Dieu éternellement ; l'objet secondaire de la charité c'est ensuite le prochain, que nous devons aimer comme nous-mêmes, pour l'amour de Dieu, c'est-à-dire que nous devons désirer au prochain les biens nécessaires au salut, le salut lui-même, pour qu'avec nous il glorifie Dieu éternellement.

Notre-Seigneur nous présente l'amour du prochain comme la conséquence nécessaire, le rayonnement et le signe de l'amour de Dieu : « Aimez-vous les uns les autres, c'est à ce signe qu'on reconnaîtra que vous êtes mes disciples ». (Jean, XIII, 35). Saint Jean dit : « Si quelqu'un prétend aimer Dieu et s'il a la haine de son frère, il est un menteur ». (I Jean, IV, 20).

La charité pour le prochain, on le voit, diffère infiniment de l'inclination naturelle qui nous porte à faire du bien pour plaire, qui nous porte à aimer les bienfaisants, à haïr ceux qui nous font du mal, à rester indifférents aux autres. L'amour naturel nous fait aimer le prochain pour ses bonnes qualités naturelles et les bienfaits que nous en recevons. Le motif de la charité est tout autre, la preuve en est que nous devons même « aimer nos ennemis, faire du bien à ceux qui nous haïssent, prier pour ceux qui nous persécutent ». (Matth., V, 44, Luc, VI, 27, 35).

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CHAPITRE IV
LA PROVIDENCE ET LA CHARITÉ ENVERS LE PROCHAIN
Quel est l'objet secondaire de la charité ?


La charité est aussi supérieure à la justice, non seulement à la justice commutative et à la justice distributive, mais même à la justice légale et à l'équité, qui nous font respecter les droits d'autrui par amour du bien commun de la société.

La charité nous fait aimer notre prochain, et même nos ennemis, pour l'amour de Dieu, et du même amour surnaturel et théologal que nous avons pour Dieu.
Comment est-il donc possible d'avoir pour des hommes, généralement imparfaits et parfois méchants, un amour divin ?

La théologie répond par un exemple très simple qu'explique ainsi saint Thomas : Celui qui aime beaucoup son ami aime du même amour les enfants de cet ami, il les aime parce qu'il aime leur père, et à cause de leur père il leur veut du bien ; pour l'amour de leur père il viendra, s'il est nécessaire, à leur secours et leur pardonnera s'il est offensé par eux. Si donc tous les hommes sont enfants de Dieu, ou tout au moins appelés à le devenir, nous devons aimer tous les hommes, même nos ennemis, et les aimer proportionnellement dans la mesure où nous aimons leur Père commun.

Pour aimer ainsi surnaturellement notre prochain, il faut le regarder avec les yeux de la foi, et se dire : Cette personne de tempérament, de caractère peut-être opposés aux miens, est « née non pas seulement de la chair et du sang ou de la volonté de l'homme », mais, comme moi, est « née de Dieu » ou appelée à naître de Dieu, à participer à la même vie divine, à la même béatitude.

Dans une même famille tous les membres doivent se regarder ainsi, et non seulement dans une même famille, mais dans une même association, dans une même patrie, bien plus dans l'Église entière, qui réunit les patries, sans méconnaître leur légitime et nécessaire variété, pour introduire leurs membres dans le royaume de Dieu.

Ainsi nous pouvons et devons dire des âmes avec lesquelles nous vivons, de celles même qui ne nous seraient pas naturellement sympathiques : Cette âme, même si elle n'était pas en état de grâce, est certainement appelée à devenir ou à redevenir enfant de Dieu, temple du Saint-Esprit, membre du corps mystique du Christ ; elle est peut-être plus près que moi du cœur de Notre-Seigneur, c'est une pierre vivante qu'il travaille peut-être plus que d'autres pour la mettre à sa place dans la Jérusalem céleste.

Dès lors comment ne pas l'aimer, si j'aime vraiment mon Dieu ? Et si je n'aime pas cette personne, si je ne désire pas son bien et son salut, mon amour de Dieu est un mensonge. Si au contraire je l'aime, malgré les oppositions de tempérament, de caractère, d'éducation, c'est un signe que j'aime mon Dieu. Je puis aimer vraiment cette personne du même amour essentiellement surnaturel, théologal, que j'ai pour les trois Personnes divines, car ce que j'aime en elle, c'est une participation de la vie intime de Dieu, qu'elle a déjà ou qu'elle est appelée à recevoir, c'est la réalisation de l'idée divine, qui préside à sa destinée, et la gloire qu'elle est appelée à donner à Dieu.

Les incrédules objectent : Mais est-ce vraiment là aimer l'homme ? N'est-ce pas seulement aimer Dieu et le Christ dans l'homme, comme on admire un diamant dans un écrin ?

L'homme voudrait être aimé pour lui-même, mais à ce titre il ne peut demander un amour divin. Et c'est pour réagir contre cette tendance égoïste que Pascal disait sous une forme volontairement paradoxale : « Je ne veux pas qu'on m'aime ».

En réalité la charité n'aime pas seulement Dieu dans l'homme, mais l'homme en Dieu, et l'homme lui-même pour Dieu. Car enfin elle aime ce que l'homme doit être, partie impérissable du corps mystique du Christ, et elle fait tout ce qui est en elle pour lui faire atteindre le ciel. Elle aime même ce que l'homme est déjà par la grâce, et, s'il n'a pas la grâce, elle aime en lui sa nature, non pas en tant qu'elle est déchue, blessée, et hostile à la grâce, mais en tant qu'elle est capable de la recevoir.

La charité aime l'homme lui-même, mais pour Dieu, pour la gloire qu'il est appelé à lui rendre, gloire qui n'est autre que la manifestation de la divine bonté ou son rayonnement.

Telle est l'essence de la charité envers le prochain, ou charité fraternelle, extension de notre amour de Dieu à tous ceux que Dieu aime.

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CHAPITRE IV
LA PROVIDENCE ET LA CHARITÉ ENVERS LE PROCHAIN

Quel est l'objet secondaire de la charité ?


De là dérivent les propriétés de la charité fraternelle. Il s'ensuit qu'elle doit être universelle ; elle ne doit pas connaître de bornes. Elle ne peut exclure personne sur la terre, dans le purgatoire et dans le ciel.

Elle ne s'arrête que devant l'enfer. Il n'y a que les damnés que nous ne pouvons aimer, car ils ne sont plus capables de devenir enfants de Dieu, et il n'y a plus en eux la moindre velléité de relèvement ; l'orgueil et la haine les empêchent de penser même à demander pardon.

Mais en dehors du fait certain de damnation - et qui pourrait être certain de la perte d'une âme ? - la charité est due à tous, elle ne connaît d'autres limites que celles de l'amour qui est au cœur même de Dieu.

C'est là une chose d'une incomparable grandeur, qui apparaît parfois d'autant plus qu'humainement parlant les âmes sont plus profondément divisées, comme dans la dernière guerre lorsqu'un petit soldat français mourant récitait l'Ave Maria qu'il ne put finir et qu'un jeune soldat allemand acheva de le dire en expirant à côté de lui.

Le Seigneur et la Vierge réunissaient ces deux frères, au moment même où leurs deux patries étaient profondément divisées. Ce sont là les grandes victoires de la charité.

Pour être universelle, la charité ne demande cependant pas à être égale pour tous. Elle respecte et surélève l'ordre dicté par la nature.

Nous devons aimer Dieu d'abord par-dessus tout, plus que nous-mêmes, au moins d'un amour d'estime (appretiative), et, si nous n'éprouvons pas toujours pour lui l'élan sensible du cœur, l'intensité de notre amour pour lui doit incessamment grandir.

Ensuite nous devons aimer notre âme, pour glorifier Dieu éternellement, puis notre prochain, et enfin notre corps, que nous devons sacrifier pour le salut d'une âme, surtout lorsque nous sommes tenus d'y pourvoir.

Parmi le prochain, nous devons aimer davantage ceux qui sont meilleurs, plus près de Dieu, et ceux aussi qui nous sont plus proches, par le sang, l'alliance, la vocation ou l'amitié.

Plus une âme est près de Dieu, plus elle mérite notre estime. Plus elle est près de nous, plus senti est notre amour pour elle, et plus complet doit être notre dévouement, en ce qui touche la famille, la patrie, la vocation ou l'amitié[170]. Ainsi le patriotisme, loin d'être détruit par la charité, est surélevé par elle, comme on le voit dans une Jeanne d'Arc et un saint Louis.

Tel est l'ordre de la charité : Dieu veut régner dans notre cœur, mais il n'exclut aucune affection qui peut se subordonner à la sienne, au contraire il l'élève, la vivifie, la rend plus noble et plus généreuse.

C'est ainsi que nous devons aimer même les ennemis de l'Église, prier pour eux ; mais, sous prétexte de Miséricorde, ce serait renverser l'ordre de la charité d'aimer plus les ennemis de l'Église que certains de ses fils qui travaillent à nos côtés et dont nous sommes peut-être jaloux.

Enfin, comme l'amour de Dieu, la charité fraternelle doit être non seulement affective, mais effective et agissante, non seulement bienveillante, mais bienfaisante. Notre-Seigneur nous a dit : « Aimez-vous comme je vous ai aimés » ; il nous a aimés jusqu'à la mort de la Croix ; les saints l'ont imité, leur vie est un acte continuel de charité rayonnante, qui donne la paix et une sainte joie.

Telle est la charité fraternelle, extension de celle que nous devons avoir pour Dieu.

La pratique de la charité fraternelle et les attentions de la Providence

Sainte Catherine de Sienne dans son Dialogue remarque souvent que la Providence nous a donné aux uns et aux autres des qualités très différentes pour que nous puissions nous aider et nous compléter, et pour que nous ayons ainsi l'occasion fréquente de pratiquer la charité fraternelle.

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CHAPITRE IV
LA PROVIDENCE ET LA CHARITÉ ENVERS LE PROCHAIN

La pratique de la charité fraternelle et les attentions de la Providence

Par ailleurs les occasions d'y manquer ne font pas défaut, même dans des milieux très chrétiens, où, à côté d'admirables vertus, il faut bien constater de réelles infirmités morales. Et même si tous les défauts étaient supprimés, les occasions de heurt et de froissement subsisteraient du fait de la diversité des tempéraments, des caractères, des aptitudes intellectuelles qui orientent celui-ci vers la spéculation, cet autre vers la pratique, qui ouvrent à celui-ci les plus grands aperçus, qui rendent cet autre plus attentif aux détails qu'à l'ensemble.

Les occasions de conflit naissent aussi sous l'influence de celui qui se plaît à diviser pour entraver l'œuvre de Dieu, pour empêcher surtout les choses les plus hautes, les plus divines et les plus belles. Ce n'est qu'au ciel que toute occasion de conflit disparaîtra, parce qu'au ciel tous les bienheureux voient dans le Verbe à la lumière divine tout ce qu'ils doivent désirer et vouloir.

Au milieu de tant de difficultés de tous genres, comment pratiquer la charité fraternelle ? De deux façons. Premièrement par la bienveillance, en voyant le prochain à la lumière de la foi, pour découvrir en lui la vie de la grâce, ou du moins les aspirations à cette vie ; secondement par la bienfaisance, en rendant service, en supportant aussi les défauts d'autrui, en rendant même le bien pour le mal, en évitant la jalousie, et en demandant souvent à Dieu l'union des esprits et des cœurs.

Tout d'abord la bienveillance. Il faut avoir l'œil pur et attentif pour voir dans le prochain, parfois sous une enveloppe épaisse et opaque, la vie divine ou les aspirations latentes à cette vie, qui sont le fruit des grâces actuelles prévenantes que tout homme reçoit un jour ou l'autre. Pour voir l'âme du prochain, il faut être détaché de soi-même.

Souvent ce qui en lui nous impatiente ou nous irrite, ce ne sont pas des fautes graves aux yeux de Dieu, ce sont des défauts de tempérament ou des travers de caractère qui peuvent subsister malgré une réelle vertu. Nous supporterions peut-être assez facilement des pécheurs très éloignés de Dieu mais naturellement aimables, tandis que des âmes assez avancées sont parfois pour nous très exerçantes. Il faut donc être attentif à regarder les personnes avec lesquelles nous vivons à la lumière de la foi, pour découvrir en elles ce qui plaît à Dieu, pour les aimer comme il les aime.

Or ce qui s'oppose à cette bienveillance, c'est le jugement téméraire, qui n'est pas une simple impression, mais qui consiste à affirmer le mal sur un léger indice du mal. On voit deux et l'on affirme quatre, et cela généralement par orgueil. Si c'est pleinement délibéré et consenti en matière grave, ce jugement est un manquement grave à la justice et à la charité. On manque ainsi à la justice parce que le prochain a droit à sa bonne réputation, et, après le droit de faire son devoir, c'est un des plus sacrés, beaucoup plus que le droit de propriété.

Bien des personnes, qui ne voudraient jamais voler vingt francs, volent au prochain sa bonne réputation par des jugements téméraires sans aucun fondement. Le plus souvent le jugement téméraire est faux ; comment juger avec vérité les intentions intérieures d'une personne dont nous ignorons les doutes, les erreurs, les difficultés, les tentations, les bons désirs, les repentirs ?

Et, même si le jugement téméraire est vrai, il reste un manque à la justice, parce qu'en le portant on s'arroge une juridiction qu'on n'a pas : Dieu seul peut juger des intentions des cœurs, tant qu'elles ne sont, pas suffisamment manifestées.

Le jugement téméraire est aussi un manque à la charité, car il procède de la malveillance, bien qu'il soit souvent formulé avec le masque de la bienveillance, à la suite de quelques éloges superficiels, qui amènent un mais caractéristique. Au lieu de voir dans le prochain un frère, on voit en lui un adversaire ou un rival à supplanter.

C'est pourquoi Notre-Seigneur nous dit (Matthieu, VII, 1) : « Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés. Car selon ce que vous aurez jugé, on vous jugera, et de la même mesure dont vous aurez mesuré, on vous mesurera. Pourquoi regardes-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère et ne remarques-tu pas la poutre qui est dans le tien ? »

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CINQUIÈME PARTIE
PROVIDENCE, JUSTICE ET MISÉRICORDE

CHAPITRE IV
LA PROVIDENCE ET LA CHARITÉ ENVERS LE PROCHAIN

La pratique de la charité fraternelle et les attentions de la Providence


Et si le mal est évident, Dieu nous demande-t-il de nous tromper ? Non, mais il nous interdit de murmurer avec orgueil ; il nous commande parfois, au nom même de la charité, la correction fraternelle accomplie avec bienveillance, humilité, douceur, discrétion ; et, si la correction fraternelle individuelle n'est pas possible ou n'aboutit pas, il faut parfois recourir humblement au Supérieur chargé de veiller au bien commun.

Enfin, comme le dit sainte Catherine de Sienne, lorsque le mal est évident, la perfection serait, loin de murmurer, d'avoir compassion et de nous en charger nous-mêmes, en partie du moins, devant Dieu, à l'exemple de Notre-Seigneur qui s'est chargé de toutes nos fautes et qui nous a dit : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». (Joan., XIII, 34). C'est une des plus grandes beautés du plan providentiel.

Et donc, pour réprimer le jugement téméraire, il faut nous habituer à voir le prochain à la lumière de la foi.

Il faut aussi l'aimer véritablement, efficacement, pratiquement, avoir pour lui une charité non seulement bienveillante, mais bienfaisante. Comment ?

En rendant service, lorsqu'on nous le demande, et lorsque la chose nous est possible. En supportant aussi les défauts du prochain, ce qui est une manière de lui rendre service et de l'amener peu à peu à se corriger.

A ce point de vue rappelons-nous que ce qui nous impatiente souvent le plus dans le prochain, ce ne sont pas des fautes graves aux yeux de Dieu, mais des défauts de tempérament, par exemple une certaine nervosité, qui lui fait fermer brusquement les portes, une certaine étroitesse de jugement, un manque d'à-propos assez fréquent, certaine manie de se mettre en avant et autres défauts de ce genre.

Supportons-nous mutuellement dans la charité, sans nous irriter d'un mal permis par Dieu pour humilier celui-ci et exercer cet autre ; que notre zèle ne tourne pas à l'amertume, et en nous plaignant des autres n'arrivons pas à nous persuader que nous avons réalisé l'idéal. Ne faisons pas la prière du pharisien.

Sachons dire aussi au moment opportun une bonne parole. La Providence nous donne ainsi le moyen de nous entr'aider. Un religieux accablé de difficultés est parfois relevé par un simple mot de son supérieur qui lui souhaite beaucoup de consolations dans son ministère et tout juste d'ennuis pour faire ici-bas son purgatoire.

Pour aimer effectivement le prochain, il faut bien veiller, cela va sans dire, à éviter la jalousie, et pour cela, comme le remarque quelque part Bossuet, il faut jouir saintement des qualités que le bon Dieu a données aux autres et qui ne se trouvent pas en nous. Il en est ainsi pour la division du travail et des fonctions dans l'Église, pour la beauté de l'Église, pour celle des communautés.

Comme le dit saint Paul, la main, loin de jalouser l'œil, bénéficie de la lumière qu'il reçoit ; ainsi, loin de nous jalouser les uns les autres, jouissons des qualités que nous trouvons dans le prochain ; elles sont à nous, car le prochain et nous sommes les membres d'un même corps mystique, où tout doit concourir à la gloire de Dieu et au salut des âmes.

Non seulement il faut se supporter et éviter la jalousie, mais il faut rendre le bien pour le mal, par là prière, par le bon exemple, par l'assistance mutuelle. On dit qu'un des moyens de s'attirer les bonnes grâces de sainte Thérèse était de lui faire de la peine.

Elle pratiquait le conseil de Notre-Seigneur : « Si l'on veut te prendre ta tunique, donne aussi ton manteau ». La prière pour le prochain au moment où nous avons à souffrir de lui est particulièrement efficace, telle la prière de saint Étienne premier martyr pour ses bourreaux, et celle de saint Pierre martyr pour celui qui lui donna la mort.

Source : Livres-mystiques.com

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PROVIDENCE, JUSTICE ET MISÉRICORDE

CHAPITRE IV
LA PROVIDENCE ET LA CHARITÉ ENVERS LE PROCHAIN

La pratique de la charité fraternelle et les attentions de la Providence


Enfin il faut, pour bien pratiquer la charité fraternelle, demander souvent l'union des esprits et des cœurs. Dans l'Église naissante les premiers chrétiens ne faisaient « qu'un cœur et qu'une âme », et l'on disait d'eux : « Voyez comme ils s'aiment » ; Notre-Seigneur avait dit : « C'est à ce signe qu'on reconnaîtra que vous êtes mes disciples ».

Il faut que toute famille chrétienne et toute famille religieuse rappelle en cela, à la lumière de la foi, l'union intime des chrétiens de l'Église naissante. Ainsi continuera à se réaliser la prière du Christ Jésus (Jean, XVII, 20) :

« Je ne prie pas seulement pour eux (les Apôtres), mais aussi pour ceux qui, par leur prédication, croiront en moi, pour que tous ils soient un, comme vous, mon Père, vous êtes en moi et moi en vous pour que, eux aussi, ils soient un en nous, afin que le monde croie que vous m'avez envoyé. La lumière que vous m'avez donnée, je la leur ai donnée, pour qu'ils soient un, comme nous sommes un ».

Par là s'exécute fortement et suavement le plan providentiel ; les hommes s'entr'aident ainsi véritablement à marcher vers la vie éternelle. C'est aussi une preuve de l'origine divine du Christianisme, car le monde qui bâtit sur l'égoïsme, l'amour-propre, les intérêts qui divisent, ne peut manifestement produire cette charité ; ses associations à lui ne tardent pas à se dissoudre, car sous les grands mots sonores de solidarité et de fraternité se cachent souvent des jalousies et des haines profondes.

Seul le Sauveur peut nous délivrer, et c'est pour cela qu'Il est venu. « Qui propter nos homines et propter nostram salutem descendit de caelis... et homo factus est ».

CHAPITRE V
LA PROVIDENCE ET LA COMMUNION DES SAINTS


Ce qui montre le mieux la grandeur, la bonté de la Providence et du gouvernement divin, c'est la communion des saints. Nous l'avons dit, la Providence ordonne immédiatement toutes choses, même les plus infimes ; mais le gouvernement divin, qui est l'exécution du plan providentiel, atteint les êtres inférieurs par l'intermédiaire des êtres plus élevés, et assiste ainsi les hommes en voyage vers l'éternité et les âmes du purgatoire par les saints du ciel et par les anges. C'est ce que nous montre surtout le dogme de la communion des saints : « Credo in Spiritum sanctum, sanctam Ecclesiam catholicam, communionem sanctorum ».

Ce dogme signifie la communion ou mutuelle relation qui existe entre les divers membres de l'Église militante, souffrante, et triomphante, et la participation aux mérites du Christ et des saints. Il y a une communication réciproque des mérites des justes.

Ce dogme a été attaqué par les protestants comme une superfétation ; quelques-uns ont même prétendu que les catholiques tombent dans un certain polythéisme, en rendant un culte aux saints, et en les considérant comme des dieux.

D'autres n'ont voulu voir dans la communication réciproque des mérites des justes qu'un système mécanique par lequel les pécheurs pourraient être justifiés sans y coopérer.

Il suffit de bien exposer ce dogme pour voir que c'est le défigurer complètement que de l'entendre ainsi.

Bien loin d'être une superfétation, il est la synthèse des principales vérités de la foi, des dogmes de la Trinité, de l'habitation des Personnes divines dans les justes, des dogmes du Christ tête de l'Église militante, souffrante et triomphante, de la grâce, de la valeur des œuvres méritoires, satisfactoires, et de la prière. Voyons ce qu'est la communion des saints selon l'Écriture, nous considérerons spécialement ensuite la relation des âmes avec Dieu et le Christ, et leurs relations entre elles.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE V
LA PROVIDENCE ET LA COMMUNION DES SAINTS

La communion des saints selon la Sainte Écriture


Cette vérité dogmatique peut s'exprimer ainsi : Il y a une communion des saints, par laquelle tous les membres du Christ, par Lui et en Lui, sont étroitement unis et participent à des degrés divers aux mêmes biens spirituels.

Cela apparaît clairement dans l'Évangile, là où il est parlé du royaume de Dieu, qui n'est pas seulement une société extérieure, visible, l'Église militante, ordonnée au salut des âmes, mais aussi une société spirituelle comprenant avec les fidèles de la terre, les âmes justes des défunts, les saints du ciel et les anges, tous unis à Dieu par le Christ, et vivant de la même vérité et de la même charité.

La charité apparaît comme le vinculum perfectionis, le lien spirituel qui unit toutes ces âmes entre elles, en les unissant à Dieu.

Le témoignage de l'Évangile est des plus clairs sur ce point. D'abord Notre-Seigneur annonce et prépare, puis il fonde le règne de Dieu, dont les membres unis par la charité doivent former une vraie famille, qui a Dieu pour Père ; à cette famille appartiennent les anges, qui se réjouissent, est-il dit dans l'Évangile, de la conversion des pécheurs.

Il suffit de se rappeler les paroles de Jésus rapportées en saint Matthieu, et presque toujours aussi en saint Marc et en saint Luc.

D'abord saint Jean-Baptiste prêche : « Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche ».

Puis Notre-Seigneur envoyant ses Apôtres pour évangéliser dit : « Celui qui vous reçoit, me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé ».

Un peu plus tard, il dit : « Si c'est par l'Esprit de Dieu que je chasse les démons, le royaume de Dieu est donc venu à vous ».

Tous les fidèles sont frères, puisque tous sont enfants de Dieu et doivent lui adresser cette prière : Notre Père qui êtes aux cieux...

De même Notre-Seigneur nous a dit : « Priez pour ceux qui vous maltraitent et vous persécutent : afin que vous soyez les enfants de votre Père qui est dans les cieux et qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons »

Ce dogme de la communion des saints apparaît plus clairement encore dans le sermon de Notre-Seigneur après la Cène, rapporté en saint Jean : « Je suis la vigne, et vous êtes les rameaux. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, porte beaucoup de fruit ; car, séparés de moi, vous ne pouvez rien faire ».

Et plus loin : « Je ne prie pas pour eux seulement (pour les Apôtres), mais aussi pour ceux qui, par leur prédication, croiront en moi, pour que tous, ils soient un, comme vous, mon Père, vous êtes en moi et moi en vous ».

C'est pourquoi saint Jean dit dans sa 1re Épître, 1, 3 : « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous et que notre communion soit avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ ». Voilà bien le dogme de la communion des saints.

Saint Paul l'exprime souvent et l'explique en montrant que le Christ, ressuscité et toujours vivant, est la tête d'un corps mystique dont nous sommes les membres.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE V
LA PROVIDENCE ET LA COMMUNION DES SAINTS

Les relations des membres avec le Christ médiateur et avec Dieu


Comme il y a dans notre organisme physique un influx de la tête sur les membres, pour leur communiquer par les nerfs le mouvement qui leur convient, ainsi il y a dans le corps mystique un influx de l'humanité du Sauveur sur tous les fidèles, sur tous les membres de ce corps, pour leur communiquer la vie de la grâce, la foi, l'espérance, la charité, et pour donner aux bienheureux dans le ciel la grâce consommée et inamissible qui s'appelle la gloire.

Ainsi le Sauveur nous applique les fruits de ses mérites en nous transmettant toutes les grâces qu'il nous a obtenues sur la Croix.

Son humanité nous les transmet comme l'instrument toujours uni à la divinité, qui est la source de toute grâce ; les sacrements nous les transmettent comme des instruments séparés, qui vibrent en quelque sorte sous la touche du Christ, pour atteindre nos âmes et les vivifier.

Cette communication de grâces se fait surtout tous les jours par la sainte Messe, qui perpétue en substance le sacrifice de la Croix sur l'autel, nous en applique les fruits, et nous permet d'y participer par la communion. De la sorte notre âme voyageuse, en marche vers l'éternité, peut grandir tous les jours dans la vie de la grâce.

L'influence surnaturelle de Dieu et du Christ sur nous est donc surtout une influence de lumière et d'amour, puisqu'elle transmet aux fidèles de la terre et aux âmes du purgatoire la lumière de la foi, celle des dons du Saint-Esprit et l'amour de charité, comme elle communique aux bienheureux dans le ciel la lumière de gloire, principe de la vision béatifique, et l'amour de charité que rien ne peut plus désormais détruire ou amoindrir.

Les membres du corps mystique, vivant ainsi sous cet influx surnaturel de lumière et d'amour, doivent faire remonter vers le Très-Haut cette vie surnaturelle, cette connaissance et cet amour qui chantent la gloire de Dieu, en reconnaissant son infinie bonté.

C'est ainsi que de toutes les âmes justes de la terre, du purgatoire et du ciel s'élève vers Dieu un amour par lequel le Souverain Bien est préféré à toutes choses.

Cet acte d'amour, sous la lumière de la foi, inspire aux fidèles de la terre un culte d'adoration, de supplication, d'action de grâces et de réparation, surtout au moment de la Messe ; ce sont là les quatre fins du sacrifice.

Dans les âmes du purgatoire, l'amour de Dieu leur inspire surtout un culte d'adoration et de réparation. Dans les bienheureux, l'amour de Dieu, sous la lumière de gloire, inspire un culte d'adoration et d'action de grâces, qui durera éternellement.

Ainsi l'influx surnaturel de lumière et d'amour qui descend de Dieu, par le Christ rédempteur, sur les âmes de la terre, du purgatoire et du ciel, remonte en quelque sorte vers Dieu, comme un chant de reconnaissance, qui donne à ces âmes la paix, en les tenant sous le rayonnement de la bonté divine.

C'est là le but de la création : le Seigneur a créé toutes choses pour manifester sa bonté, et sa gloire n'est pas autre chose que cette bonté rayonnante.

Les relations des membres entre eux

Si tels sont les liens de toutes les âmes justes de la terre, du purgatoire et du ciel avec le Christ médiateur et avec Dieu, cause première de la grâce, on s'explique quelles sont les relations des membres entre eux et particulièrement celle de l'Église triomphante avec l'Église souffrante et l'Église militante.

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CHAPITRE V
LA PROVIDENCE ET LA COMMUNION DES SAINTS

Les relations des membres entre eux


Les bienheureux au ciel intercèdent pour les fidèles de la terre et pour les âmes du purgatoire, et nous pouvons recourir avec confiance à leur intercession, surtout à celle de Marie médiatrice, comme l'Église le fait incessamment par l'Ave Maria et les Litanies de Lorette. Saint Paul écrit aux Hébreux, XII, 22 :

« Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de la cité du Dieu vivant qui est la Jérusalem céleste, des myriades qui forment les chœurs des anges, de l'assemblée des premiers-nés inscrits dans les cieux, du juge qui est le Dieu de tous, des esprits des justes parvenus à la perfection, de Jésus, le médiateur de la nouvelle alliance, et du sang de l'aspersion, qui parle plus éloquemment que celui d'Abel ».

Tous les saints, en union avec le Christ, intercèdent pour nous, lorsque nous les invoquons. Les anges, subordonnés au Christ, viennent eux aussi à notre secours.

Saint Paul aime à dire aux Colossiens, I, 16 : que toutes les créatures même les plus hautes sont subordonnées au Verbe fait chair : « les Trônes, les Dominations, les Principautés, les Puissances, tout a été créé par lui et pour lui...

Il est la tête du corps de l'Église », et à l'Église triomphante appartiennent les anges eux-mêmes, que Jésus et Marie dépassent par l'intensité de leur charité, et de la lumière de gloire.

Il y a aussi des liens très étroits entre l'Église militante et l'Église souffrante. Nous devons prier pour les âmes du purgatoire, faire célébrer des messes pour leur délivrance, gagner des indulgences pour elles, c'est-à-dire obtenir que les fruits des mérites du Sauveur et des saints leur soient appliqués.

Et très certainement nous sommes récompensés par Dieu des actes de charité que nous faisons pour ces âmes en priant pour elles et en acceptant les contrariétés qui se présentent, pour alléger leurs souffrances.

Cette prière pour les défunts a toujours existé dans l'Église. Saint Paul implore la miséricorde de Dieu pour le repos de l'âme de son ami Onésiphore, comme il le dit dans la IIe Ép. à Timotée, I, 18.

Enfin des liens non moins étroits unissent les fidèles de la terre les uns avec les autres. Ils peuvent s'aider mutuellement par la prière, par les bonnes œuvres méritoires et satisfactoires, en tant que le juste peut mériter au sens large de ce mot pour son prochain, et en ce même sens satisfaire ou porter la peine due aux péchés du prochain.

Dieu en effet, par égard aux prières, aux mérites, aux souffrances des justes unis au Christ, fait Miséricorde aux pécheurs. Le Seigneur dit à Abraham : « Si je trouve à Sodome dix justes dans la ville, je pardonnerai à toute la ville ; pour l'amour d'eux, je ne la détruirai pas » Genèse, XVIII, 32.

Saint Paul nous parle des relations spirituelles des fidèles de la terre entre eux, lorsqu'il nous dit : « Il y a diversité de dons, mais c'est le même Esprit, diversité de ministères, mais c'est le même Seigneur ; diversité d'opérations, mais c'est le même Dieu qui opère en tous ».

- « Il n'y a qu'un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés par votre vocation à une même espérance. Il n'y a qu'un Seigneur, une foi, un baptême, un Dieu, Père de tous, qui est au-dessus de tous, qui agit par tous, qui est en tous ».

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CHAPITRE V
LA PROVIDENCE ET LA COMMUNION DES SAINTS

Les relations des membres entre eux


« Ainsi le corps humain n'est pas un seul membre; mais il est formé de plusieurs. Si le pied disait : « Puisque je ne suis pas main, je ne suis pas du corps », en serait-il moins du corps pour cela ? Et si l'oreille disait : « Puisque je ne suis pas œil, je ne suis pas du corps », en serait-elle moins du corps pour cela ? Si tout le corps était œil, où serait l'ouïe ?... L'œil ne peut pas dire à la main : « Je n'ai pas besoin de toi » ; ni la tête dira aux pieds : « Je n'ai pas besoin de vous »...

Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; si un membre est honoré, tous les membres s'en réjouissent avec lui. Vous êtes le corps du Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part »[184]. - Et donc « portez les fardeaux les uns des autres et vous accomplirez ainsi la parole du Christ... Pendant que nous en avons le temps, faisons le bien envers tous, et surtout envers les frères dans la foi ».

Si nous voyions le corps mystique comme on voit une multitude de personnes, nous apercevrions une foule immense d'hommes, de femmes, d'enfants, nous verrions en eux à des degrés divers la faim de Dieu, plus ou moins consciente, et aussi la tentation, la peine ; ici des âmes très généreuses dans la souffrance ; là des chrétiens ordinaires, plus bas des âmes sur le point de succomber à la tentation qui vient des sens, d'autres sur le point de perdre la foi, des vieillards près de la tombe, et nous comprendrions que le vrai chrétien, qui vit d'oraison, doit vivre penché sur les âmes comme une mère sur le berceau de son enfant.

Pensons aussi que, comme le dit saint Thomas (Ia-IIae, q. 89, a. 6), lorsque l'enfant, même non baptisé et infidèle, arrive pleinement à l'âge de raison, il doit choisir entre la bonne route on la mauvaise, entre le devoir ou le plaisir, entre la vraie fin dernière confusément connue et ce qui s'oppose à elle ; s'il ne résiste pas à la grâce qui lui est alors offerte, il aime Dieu confusément connu par-dessus tout, il est par suite justifié et entre ainsi dans le corps mystique. « Si vero ordinet seipsum ad debitum finem, per gratiam consequetur remissionem originalis peccati » (loc. cit.).

Or le sang précieux du Sauveur nous a été donné pour que nous puissions l'offrir avec lui pour tant d'âmes qui ne le connaissent pas encore ou qui se détournent de lui.

Entre tous les fidèles doit donc régner la charité, vinculum perfectionis, qui nous unit à Dieu, au Christ médiateur, à Marie médiatrice et par eux à toutes les âmes du ciel et du purgatoire.

En ce temps de révolution non plus seulement européenne mais mondiale, où les ligues athées des « sans Dieu » nées au sein du bolchevisme russe se propagent dans les divers pays, et où se prépare un terrible conflit entre l'esprit du Christ et celui du démon, on ne saurait trop vivre de ce mystère de la communion des saints.

On sent le besoin pressant de s'élever au-dessus de l'opposition violente qui existe entre le communisme international d'inspiration matérialiste, qui supprime la dignité de la personne humaine, de la famille et de la patrie, et un nationalisme, qui, lorsqu'il est non seulement défensif, mais offensif, tourne de divers côtés au culte idolâtrique de la nation.

Il faut de toute nécessité, en conservant l'amour vrai, héroïque s'il le faut, de son pays, penser plus encore à la Cité de Dieu, qui commence ici-bas et s'achève dans la patrie définitive, où toutes les âmes de tous les peuples devraient un jour se réunir.

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