La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange

Postez ici vos intentions de prière.
amidelamisericorde
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CHAPITRE V
CONDUITE DE LA PROVIDENCE A L'ÉGARD DE CEUX
QUI S'ABANDONNENT PLEINEMENT A ELLE

Dieu vivifie de plus en plus intimement les âmes qui s'abandonnent à lui


Non seulement il les conduit et les défend, mais il les vivifie par sa grâce, par les vertus, par les dons du Saint-Esprit et les inspirations toujours nouvelles qu'il leur envoie. Bien plus il les vivifie lorsqu'il paraît le plus les dépouiller et les faire mourir, selon le mot de saint Paul : « Mihi vivere Christus est et mori lucrum

Le Christ est ma vie, et la mort m'est un gain » Phil., I, 21. Tandis que la vie de certaines personnes c'est le sport, ou l'art, ou l'activité intellectuelle scientifique ou philosophique ; la vie des âmes dont nous parlons, c'est le Christ, comme dit saint Paul, ou l'union au Christ. Lui-même est leur vie, dit saint Thomas (in Epistolam ad Phil., I, 21), en ce sens qu'il est le motif constant de leurs actions vitales les plus profondes. C'est pour lui qu'elles vivent et agissent constamment ; ce n'est pas pour un but humain ; c'est vraiment pour le Seigneur qui les vivifie de plus en plus, et qui les fait vivre de cela même qui semble devoir faire mourir, comme Jésus lui-même a fait de sa Croix le plus grand instrument de salut.

Ce point de doctrine si profond a été admirablement mis en lumière par un dominicain du XVIIe siècle, le P. Chardon dans son livre La Croix de Jésus (3e entretien, ch. VIII et suivants). Il montre que l'action divine qui nous détache progressivement, et parfois de façon bien douloureuse, de ce qui n'est pas Dieu, tend à nous unir à lui de plus en plus, par ce détachement même. Par là la perte est un gain.

La grâce, en augmentant en nous, est à la fois principe de séparation et d'union ; la séparation progressive n'est que l'envers de l'union. « De crainte, dit Chardon, que l'usage trop fréquent des consolations n'arrête l'inclination de l'âme vers lui, Dieu lui suspend le ruisseau, pour la faire soupirer avec plus d'ardeur vers la source... Il lui soustrait ses grâces pour se donner lui-même. Il s'insinue doucement, en se faisant maître de toutes les attentions de ses puissances, afin de la rendre jouissante du Bien unique et nécessaire, que l'on ne doit aimer qu'avec la même solitude, qui sépare de toutes choses la souveraineté de son être ». La disparition d'une lumière et d'une vie inférieure coïncide ainsi avec l'apparition d'une lumière de vie beaucoup plus haute.Lorsqu'un apôtre au milieu de son apostolat, en pleine maturité, est frappé de paralysie, on croit souvent que c'est la fin de son influence ; c'est parfois et ce devrait être le commencement de quelque chose de supérieur : à la place de l'apostolat direct et extérieur, l'apostolat caché mais profond, qui par la prière et l'immolation atteint les âmes dans le Christ, et fait déborder sur elles le calice de la surabondante rédemption. Une prière écrite par un inconnu qui s'est inspiré de saint Augustin résume admirablement cette doctrine :

Acte d'abandon.


« Je me laisse, ô mon Dieu ! dans vos mains. Tournez, retournez cette argile, sicut lutum in manu figuli, comme le vase qui se fait entre les mains du potier (Jérémie, XVIII, 6). Donnez-lui une forme ; brisez-la ensuite, si vous voulez ; elle est à vous ; elle n'a rien à dire. Il me suffit qu'elle serve à tous vos desseins et que rien ne résiste à votre bon plaisir pour lequel je suis fait. Demandez, ordonnez ; que voulez-vous que je fasse ? que voulez-vous que je ne fasse pas ? Élevé, abaissé, persécuté, consolé, souffrant, appliqué à vos œuvres, inutile à tout, il ne me reste qu'à dire, à l'exemple de votre sainte Mère : Qu'il me soit fait selon votre parole.
« Donnez-moi l'amour par excellence, l'amour de la croix, non pas de ces croix héroïques dont l'éclat pourrait nourrir l'amour-propre, mais de ces croix vulgaires que nous portons hélas ! avec tant de répugnance, de ces croix de chaque jour, dont la vie est semée et qui se rencontrent au milieu du chemin à toute heure, dans la contradiction, l'oubli, l'insuccès, les faux jugements, les contrariétés, la froideur ou les vivacités des uns, les rebuts ou les mépris des autres, dans les infirmités du corps, les ténèbres de l'esprit, le silence et la sécheresse du cœur. Alors seulement, vous saurez que je vous aime, bien que je ne le sache ni ne le sente moi-même, et cela me suffit ! »
Cela, c'est vraiment la sainteté, même la haute sainteté. S'il n'y avait eu dans notre vie aux moments les plus douloureux que quelques minutes semblables, ce seraient là les sommets de notre vie, où nous aurions été très près de Dieu. Or c'est à chaque instant que le Seigneur nous invite à vivre ainsi pour nous perdre en Lui. Même et surtout en ces moments, il est vrai de dire : « Justum deduxit Dominus per vias rectas, et ostendit illi regnum Dei - Le Seigneur conduit le juste par des voies droites, et il lui montre le règne de Dieu ».

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE V
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CHAPITRE VI
LA PROVIDENCE ET LE CHEMIN DE LA PERFECTION


S'il est une chose qui doive nous intéresser dans le plan providentiel, c'est le chemin de la perfection, tracé de toute éternité par Dieu.

Tous les grands auteurs spirituels ont décrit l'itinéraire de cette ascension. Parmi eux quelques-uns l'ont plus particulièrement considéré dans ses rapports avec la Providence, c'est ce qu'a fait sainte Catherine de Sienne.

Nous voudrions rappeler sur ce point les lignes principales de son témoignage reçu d'en haut.

Nous le choisissons ici de préférence à celui d'autres saints, parce que sainte Catherine de Sienne a une large vue de la réalité concrète, qui permet d'adapter facilement ce qu'elle dit aux besoins spirituels des personnes de toutes les conditions, elle a un langage, qui sans jamais cesser d'être très élevé, est pour tous des plus réalistes et des plus pratiques. Il se rapproche de la hauteur et de la simplicité de l'Évangile.

On a dit souvent qu'il y a une parfaite harmonie entre la doctrine de saint Thomas d'Aquin et celle exposée par sainte Catherine de Sienne dans ses extases, et écrite au fur et à mesure qu'elle parlait par ses secrétaires en ce livre qui a été appelé le Dialogue.

S'il est un sujet où l'harmonie de ces deux doctrines apparaît de façon particulièrement frappante, c'est celui de la perfection chrétienne et de la voie qui y conduit selon le plan de la Providence. Pour nous en rendre compte, nous considérerons les points suivants :

1° En quoi consiste spécialement la perfection ?

2° Tombe-t-elle en un sens sous le précepte suprême, ou bien est-elle seulement de conseil ?

3° La lumière de la foi suffit-elle à la perfection chrétienne, ne faut-il pas avoir aussi la lumière du don de sagesse ? Et cette lumière est-elle normalement proportionnée au degré de charité ou d'amour de Dieu ?

4° Quelles purifications, selon le plan de la Providence, sont nécessaires pour arriver à la perfection ? Y arrive-t-on sans avoir traversé les purifications dites passives, sans avoir supporté avec patience et amour les croix de la sensibilité et celles de l'esprit ?

5° Toutes les âmes intérieures sont-elles appelées par la Providence à la contemplation infuse des mystères de la foi, sous la lumière du don de sagesse, et à l'union à Dieu, qui résulte de cette contemplation, et qui est fort différente des grâces extraordinaires telles que les révélations et visions ?

En d'autres termes : selon le plan providentiel, le sommet du développement normal de la vie de la grâce ici-bas ou le prélude normal de la vie du ciel est-il seulement d'ordre ascétique, ou d'ordre mystique ?

Ce qui le caractérise est-ce notre activité propre sous la grâce, ou plutôt notre docilité à recevoir les inspirations du Saint-Esprit ? Pour répondre à ces questions, nous procéderons par citations prises dans les chapitres du Dialogue où il est parlé directement de ces sujets.

I - En quoi consiste spécialement la perfection chrétienne ?

Serait-elle surtout dans la mortification corporelle, ou bien dans les pratiques de piété, ou bien encore dans la connaissance des choses divines ? Sainte Catherine de Sienne répond comme saint Thomas d'Aquin (IIa-IIae, q. 184, a. 1) que la perfection consiste spécialement dans la charité, principalement dans l'amour de Dieu et secondairement dans l'amour du prochain.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE VI
LA PROVIDENCE ET LE CHEMIN DE LA PERFECTION


Cette doctrine est nettement exprimée dans le Dialogue ch. II[87], où on lit : « Je te l'ai dit déjà, si tu t'en souviens bien, il y a quelque temps, quand tu souhaitais de faire grande pénitence pour moi. « Que pourrais-je faire, disais-tu, que pourrais-je endurer pour vous, ô Seigneur ? » - Et je te répondis dans ton esprit par ces simples mots : « Je suis Celui qui me complais à peu de paroles et à beaucoup d'œuvres, pour bien faire entendre que celui qui se contente de crier vers moi à son de voix : « Seigneur, je voudrais faire quelque chose pour vous », comme celui qui pour moi veut bien mortifier son corps par de nombreuses pénitences, mais sans renoncer à sa volonté propre, a tort de croire qu'il m'est agréable. ... Moi qui suis infini, je suis en quête d'œuvres infinies, c'est-à-dire d'un sentiment infini d'amour.

Je demande donc que les œuvres de la pénitence et autres exercices corporels soient employés à titre de moyens, et qu'ils n'occupent pas dans l'affection la place principale. Si c'est là ce qu'on aime par-dessus tout, l'on ne m'offre plus que des œuvres finies. Il en sera comme de la parole qui n'est plus rien dès qu'elle est sortie de la bouche, si elle ne procède pas de l'affection intérieure de l'âme. C'est l'âme qui conçoit et engendre la vertu dans la vérité, et c'est par cette vertu intérieure que l'œuvre finie est unie à l'amour de charité ».

Autrement il n'y aura que le côté matériel de la perfection ; l'âme et l'inspiration de la vie intérieure n'y seront plus. Il est dit au même endroit :
« On ne doit pas mettre sa fin dans la pénitence ou en tout autre acte extérieur, qui, je te l'ai dit, sont des œuvres finies... qu'il est sage parfois d'interrompre, soit par nécessité, soit par obéissance... (tandis qu'on ne doit pas interrompre la vie d'amour de Dieu). Ces pratiques sont donc un moyen, non le principe... Mais elles me plaisent quand on y cherche un instrument, non le principe de la vertu ». (Ces derniers mots montrent qu'il ne faut pas tomber dans l'autre extrême, en négligeant la mortification corporelle, pratiquée par tous les saints).

« La vertu, continue le Dialogue, est toute entière dans la charité éclairée de la lumière de la vraie discrétion. Sans la charité elle est sans valeur. Cet amour, la discrétion me le donne sans fin et sans mesure, parce que je suis la souveraine et éternelle Vérité. Elle n'impose donc ni loi ni bornes à l'amour dont elle m'aime, mais, à l'égard du prochain, elle le mesure à bon droit, selon l'ordre de la charité.

C'est dans l'ordre de la charité de ne pas se faire tort à soi-même, par le péché, pour rendre service au prochain. Quand il suffirait d'un seul péché... pour produire une action de grande importance, ce ne serait pas d'une charité ordonnée avec discrétion de le commettre...

« Voici l'ordre qu'impose la sainte discrétion. L'âme dirige toutes ses puissances à me servir virilement en toute générosité, et l'amour qu'elle a pour le prochain est tel qu'elle est prête à donner la vie du corps pour le salut des âmes, et mille fois, s'il était possible. Il n'est point de peines et de tourments qu'elle ne soit disposée à subir pour assurer à autrui la vie de la grâce. »

Voilà en quoi consiste spécialement la perfection chrétienne, principalement dans l'amour généreux de Dieu, et secondairement dans l'amour non seulement affectif, mais effectif, du prochain. C'est pourquoi Catherine de Sienne aime à dire que la charité vivifie toutes les vertus[90], qu'elle rend leurs actes méritoires de la vie éternelle[91], qu'elle est comme la mère de toutes les vertus, qu'elle est le vêtement nuptial des serviteurs de Dieu, et que, plantée dans la terre de l'humilité, elle est comparable aussi à un arbre qui élève vers le ciel ses fleurs et ses fruits nombreux, fruits de vie pour l'éternité. La sainte insiste souvent sur ceci que l'amour du prochain est inséparable de l'amour de Dieu, qu'il en est le rayonnement, le signe, la preuve certaine, et que le zèle des âmes inspire toutes les vertus[94]. Elle ajoute aussi qu'on ne peut aimer efficacement le prochain que pour Dieu et en Dieu. « L'amour du prochain est comme le vase qu'on remplit à la fontaine. Si on le retire de la source pour boire, il est bientôt vide. Mais si on le tient plongé dans la source, on peut y boire toujours, il demeure toujours plein ».

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE VI
LA PROVIDENCE ET LE CHEMIN DE LA PERFECTION


Voulez-vous qu'une amitié dure, voulez-vous vous désaltérer longtemps à cette coupe, laissez-la toujours se remplir à la source d'eau vive, autrement elle ne pourra plus répondre à votre soif.

C'est exactement la même doctrine que celle que nous trouvons dans la Somme Théologique de saint Thomas : Pour lui la perfection consiste spécialement dans la charité, qui vivifie toutes les vertus et nous unit à notre fin dernière, à Dieu auteur de la grâce, en nous le faisant aimer plus que nous-mêmes et par-dessus tout, en nous faisant aussi aimer pour lui tout ce qui mérite de l'être.

Sans la charité rien ne vaut pour la vie éternelle ; la science, même celle des choses divines, n'est fructueuse que par son union à l'amour de Dieu. Elle peut être empoisonnée par l'orgueil[96], dit la sainte, et souvent elle obtient plus de lumière par la prière que par l'étude, de cette lumière de vie, très simple et très haute, principe de la contemplation, qui unifie le savoir et le rend fécond.

II - La perfection et le précepte de l'amour

Cette perfection, qui consiste spécialement dans une haute charité, tombe-t-elle sous les préceptes, ou est-elle seulement de conseil ?

Saint Thomas a enseigné qu'elle tombe sous le précepte suprême, non pas comme matière ou chose à réaliser immédiatement, mais comme la fin vers laquelle tous les chrétiens doivent tendre, chacun selon sa condition, celui-ci dans la vie religieuse, celui-là dans la vie du siècle[97]. Le Docteur Angélique dit expressément que la perfection chrétienne consiste essentiellement dans l'accomplissement généreux des préceptes, surtout des deux préceptes de l'amour de Dieu et du prochain, et qu'elle n'est qu'accidentellement dans la pratique effective des trois conseils de pauvreté, chasteté absolue et obéissance, comme en des moyens d'arriver plus sûrement et plus promptement à la perfection de l'amour de Dieu, perfection qui reste encore accessible dans l'état de mariage, au milieu des occupations du monde, comme le montre la vie de plusieurs saints.

C'est la même doctrine que nous trouvons chez Catherine de Sienne. Son Dialogue montre que le précepte suprême n'a pas de limites, car il est ainsi formulé : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces, de tout ton esprit » Luc, X, 27. Cette loi d'amour n'oblige pas seulement jusqu'à un certain degré, au delà duquel il n'y aurait plus qu'un conseil de charité ; mais tout chrétien doit tendre à la perfection de l'amour. On lit dans le Dialogue : « Tu vois quel est le devoir pour toute âme. Il faut qu'elle m'aime, Moi, d'un amour sans mesure »[. Et même sainte Catherine dit nettement que, bien qu'on puisse observer les préceptes sans pratiquer effectivement les trois conseils évangéliques, on ne peut pas accomplir parfaitement les préceptes sans avoir l'esprit des conseils, l'esprit de détachement des créatures, qui ne fait qu'un avec l'amour de Dieu qui doit toujours grandir en nous.

La sainte l'explique fort bien par ces paroles du Seigneur, ch. 47 : « Comme les conseils sont liés aux commandements, personne ne peut bien observer les commandements, sans observer les conseils, au moins spirituellement. Si l'on possède les richesses du monde, on doit les posséder avec humilité, non avec orgueil, comme une chose prêtée et non comme une chose dont on aurait la pleine propriété, ainsi que ma Bonté les met à votre disposition pour votre propre usage. Vous ne les avez qu'autant que je vous les donne et que je vous les conserve, et je ne le fais qu'autant que je le juge utile à votre salut. C'est donc ainsi que vous devez en user ; ... en observant l'esprit des conseils, en retranchant le venin de l'amour désordonné ».

Nous devons en user comme n'en usant pas, avait dit saint Paul. C'est là « posséder les biens du monde, en seigneurs et non en esclaves », sans s'asservir à eux, comme l'avare à son trésor. Ainsi en tout état, on se conduira de façon à gagner la vie éternelle, et l'on grandira chaque jour dans la charité, comme le précepte suprême le demande, et comme la communion eucharistique nous le permet, en fortifiant notre âme suivant la mesure de son désir.

Source : Livres-mystiques.com

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CONDUITE DE LA PROVIDENCE A L'ÉGARD DE CEUX QUI S'ABANDONNENT PLEINEMENT A ELLE

CHAPITRE VI
LA PROVIDENCE ET LE CHEMIN DE LA PERFECTION


II - La perfection et le précepte de l'amour


En suivant cette voie, même au milieu du monde, l'âme pourra arriver à la perfection de la charité, à un amour de Dieu et des âmes très pur et très fort, qui lui permettra, dit la sainte, d'accepter injures, mépris, affronts, moqueries et persécutions pour l'honneur de Notre-Seigneur et le salut du prochain.

III - La Perfection et la lumière du don de sagesse dans l'oraison: Les visites du Seigneur
Pour atteindre cette haute charité en laquelle consiste spécialement la perfection chrétienne, suffit-il d'avoir la lumière de la foi et de prier vocalement, ne faut-il pas recourir aussi à l'oraison mentale où le Saint-Esprit éclaire l'âme par lumière de ses dons ? La sainte nous dit : la prière est un des grands moyens d'arriver à la perfection. Fondée sur la connaissance de Dieu et de soi-même, la vraie prière consiste dans l'ardeur du désir. La prière vocale doit être accompagnée de la mentale, autrement elle serait comme un corps sans âme. Et il faut quitter la prière vocale pour la mentale, quand Dieu y invite. On lit dans le Dialogue ch. 66 : « L'âme doit unir aux paroles qu'elle prononce la connaissance de moi et d'elle-même. Ainsi de la prière vocale imparfaite, elle arrivera avec de la persévérance dans cet exercice, à l'oraison mentale parfaite. Mais si elle vise simplement à réciter un certain nombre de formules, et si la prière vocale lui fait négliger l'oraison mentale, elle n'y arrivera jamais...

Qu'elle soit attentive lorsque je visite son esprit d'une manière ou d'une autre. Tantôt je lui enverrai ma lumière, pour qu'elle se connaisse mieux elle-même et conçoive un vrai repentir de ses fautes ; tantôt je lui ferai largesse de ma charité. D'autres fois, je placerai devant son esprit, de différentes manières, la présence de ma Vérité, suivant qu'il me plaît, ou selon que l'âme l'avait elle-même désiré ... Aussitôt qu'elle est avertie dans son esprit des approches de ma visite, elle doit abandonner la prière vocale, quitte à la reprendre, si elle en a le temps, quand l'oraison mentale est terminée. Exception pourtant doit être faite pour l'office divin, que les clercs et religieux ont l'obligation de réciter... Si, à l'heure consacrée à cette récitation, ils sentent leur esprit attiré et élevé par le désir, ils doivent prendre leurs dispositions pour dire l'office avant ou après... Ainsi, avec de l'exercice et de la persévérance, l'âme goûtera l'oraison véritable et se nourrira du sang de mon Fils unique.

C'est ainsi que quelques-uns participent spirituellement au corps et au sang du Christ, bien que non sacramentellement, en communiant à la divine charité, qu'ils goûtent par le moyen de la sainte oraison, peu ou beaucoup, suivant le désir de celui qui prie. Celui qui y apporte peu, trouve peu. Celui qui apporte beaucoup reçoit beaucoup. Plus l'âme s'applique à recueillir sa puissance affective et à l'unir à moi par la lumière de l'intelligence, plus elle connaît. Qui connaît davantage, aime davantage, et qui aime davantage, goûte davantage ».

Sainte Catherine de Sienne montre bien comment ceux qui sont parvenus à l'état d'union sont éclairés dans leur intelligence, par une lumière surnaturelle infuse. « Le regard de leur intelligence, dit-elle[108], se porte alors vers moi, pour contempler ma Divinité, emportant à sa suite la volonté qui s'unit à moi pour s'y nourrir. Cette vue est une grâce infuse que j'accorde à l'âme qui m'aime et me sert en toute vérité ». C'est ainsi qu'on dit communément qu'un saint Thomas a reçu plus de lumière dans l'oraison que dans l'études
e généralement, dit-il, aux avancés et aux parfaits.

La sainte ajoute : « C'est cette lumière infuse que possédaient les Docteurs, les Confesseurs, les Vierges et les Martyrs, qui tous en furent éclairés. Et chacun l'a reçue de manière différente, suivant que le demandait son propre salut ou le salut du prochain... Cette lumière surnaturelle est donnée par grâce aux humbles qui veulent la recevoir... mais les orgueilleux s'aveuglent à cette lumière ; leur orgueil et le nuage de l'amour-propre cachent pour eux cette clarté... C'est pourquoi ils ne goûtent de l'Écriture que la lettre, à force de compulser des livres ; ils n'en savourent pas la moelle, parce qu'ils sont privés de la lumière qui l'a composée et qui aussi en révèle le sens ».

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LA PROVIDENCE ET LE CHEMIN DE LA PERFECTION


III - La Perfection et la lumière du don de sagesse dans l'oraison: Les visites du Seigneur


On voit que cette lumière de vie, qui est celle du don de sagesse, est normalement donnée, comme l'avait dit saint Thomas, à un degré qui correspond à celui de la charité.

Ce qui, fait dire à la sainte, ibid., « Avec cette lumière on aime, parce que l'amour suit l'intelligence. Plus on connaît, plus on aime, et plus on aime, plus on connaît. Amour et connaissance s'alimentent ainsi l'un l'autre réciproquement .

Si ceux qui écrivent sur Raphael et Michel-Ange ne négligent rien pour approfondir leur sujet, nous ne devons évidemment rien négliger pour approfondir l'Évangile et pour vivre vraiment de la sainte Messe !

Il est dit ailleurs, au ch. 28 : « La joie que ressent celui qui suit la voie véritable, nulle langue ne la peut dire, aucune oreille ne peut l'entendre, il n'est point d'œil qui la puisse voir, car celui-là possède et goûte déjà le bien qui est préparé pour la vie du ciel ». « Est quædam inchoatio vitæ æternæ », avait dit saint Thomas.

Cet état d'union est décrit au ch. 89, où il est tout à fait distingué des visions et révélations, dont il est parlé ch. 70. En lui s'unissent la connaissance vécue de notre indigence et la connaissance quasi expérimentale de l'infinie bonté de Dieu ; elles sont, dit la sainte, comme le point le plus bas et le point le plus élevé d'un cercle qui grandirait toujours jusqu'à notre entrée au ciel. Cette belle image montre combien ces deux connaissances expérimentales de soi-même et de Dieu sont unies, et diffèrent d'une connaissance abstraite et spéculative. Nous sommes ici au cœur même de la vraie vie spirituelle. « En s'exerçant et en progressant encore dans la connaissance d'elle-même, est-il dit en ce chapitre, l'âme apprend à se mépriser, à se haïr parfaitement, en même temps qu'elle arrive à une vraie connaissance de ma Bonté, où s'enflamme son amour.

Elle commence dès lors à unir et à conformer sa volonté à la mienne et à éprouver en elle-même une joie et une compassion toute nouvelle. La joie qu'elle ressent en elle c'est de m'aimer ;... et en même temps elle s'afflige avec amour de l'offense qui m'est faite et de la perte du prochain...Elle se désole de ne pouvoir rendre honneur et gloire à mon nom comme elle le voudrait, et dans l'angoisse de son désir, elle trouve délicieux d'être admise à se rassasier à la table de la sainte Croix, pour ressembler à l'Agneau sans tache, humble et patient, mon Fils unique ». Nous sommes ici au centre du mystère de la Rédemption.

La contemplation, que comporte cette union à Dieu, qui caractérise la pleine perfection de la vie chrétienne, est bien une contemplation infuse car il est dit, ch. 60 fin, et 61 : « Si mes serviteurs rougissent de leur imperfection, s'ils se mettent à aimer la vertu, s'ils arrachent avec une sainte haine la racine de l'amour-propre spirituel qui est en eux..., alors ils me seront si agréables... que je me manifesterai à eux...

En plus de la manifestation commune, mes amis goûtent et connaissent, ils éprouvent, ils sentent par expérience ma charité au fond de leur âme. La seconde manifestation de ma charité a lieu, dans l'âme même, quand je me révèle moi-même à elle par sentiment d'amour... Quelquefois même je me révèle à l'âme en lui donnant l'esprit de prophétie ». Mais, on le voit par le ch. 70, cette dernière faveur n'est plus normale, elle est extraordinaire.

IV - Les épreuves providentielles et l'union à Dieu
Cette union à Dieu dont nous venons de parler suppose manifestement la mortification ou purification active, que nous devons nous imposer à nous-mêmes pour faire mourir en nous la concupiscence de la chair, celle des yeux et l'orgueil de la vie. Suppose-t-elle aussi des purifications passives ou l'acceptation patiente et généreuse de la croix ?
Bien certainement. La doctrine exposée par sainte Catherine de Sienne est des plus nettes sur ce point, quand elle parle de la tentation, des tribulations des justes, et des différentes sortes de larmes fort distinctes les unes des autres, suivant qu'elles procèdent soit de l'amour-propre, soit du pur amour.

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IV - Les épreuves providentielles et l'union à Dieu


Aux tentations l'âme peut toujours résister par la vertu du sang du Sauveur, Dieu ne commande jamais l'impossible. Ces tentations lorsqu'on y résiste, nous font mieux connaître et nous-mêmes et la bonté de Dieu, et elles fortifient la vertu.

De même Dieu nous envoie des tribulations pour nous purifier de nos fautes et imperfections et nous mettre dans la nécessité de grandir dans son amour, lorsqu'il n'y a plus pour nous d'air respirable qu'en Lui. La manière d'accueillir ces épreuves est la pierre de touche de la perfection de l'âme.

Alors peu à peu, après les larmes stériles de l'amour-propre, après celles de la crainte servile qui redoute le châtiment plus que le péché, l'âme finit par connaître les larmes du pur amour, comme il est dit au ch. 89 : « Lorsque l'amour sensitif a été vaincu (par la mortification et les premières épreuves), il reste l'amour-propre spirituel, avec ce besoin égoïste de consolations spirituelles, qu'elles viennent de moi directement ou de quelque créature aimée d'une affection spirituelle.

Quand donc l'âme éprouvée se voit privée de ce qu'elle aime, des consolations, soit intérieures qui viennent de Moi, soit extérieures, qui lui viennent des créatures, et qu'elle se trouve en butte aux tentations ou aux persécutions des hommes, son cœur est en souffrance. Aussitôt les yeux, qui sympathisent avec la douleur et la peine du cœur, se mettent à pleurer.

Ce sont des larmes de tendresse et de compassion que l'âme répand sur elle-même, d'une compassion spirituelle, il est vrai, mais qui n'en procède pas moins de l'amour-propre... Mais en progressant encore dans la connaissance d'elle-même, elle apprend à se mépriser et à se haïr parfaitement... et elle en arrive à ne s'affliger vraiment et profondément que de l'offense faite à Dieu et de la perte des âmes... Alors, ses yeux répandent les larmes du pur amour… ; elle est tout ensemble bienheureuse et affligée, bienheureuse à cause de l'union qu'elle a avec moi, en goûtant l'amour divin, et affligée par l'offense qu'elle voit faire à ma Bonté et à ma Grandeur qu'elle contemple et savoure dans la connaissance d'elle-même et de moi. Cette affliction ne fait pas obstacle à l'état d'union ». Elle rappelle l'affliction de Notre-Seigneur qui s'unissait, même sur la croix, à la paix parfaite.

Les purifications qui conduisent à cet état d'union sont manifestement, on le voit, les purifications passives dont parlera si longuement saint Jean de la Croix ; il suffit pour s'en rendre compte de lire le ch. 24 : De quelle manière Dieu coupe les rameaux vivants unis au cep pour leur faire porter beaucoup de fruit ; de même le ch. 43 : de l'utilité des tentations, le ch. 45 : quels sont ceux à qui ces épines ne font aucun mal, et encore le ch. 20 : comment sans les tribulations supportées avec patience, il est impossible de plaire à Dieu.

V - Conclusion:

L'Appel général Que conclure ? Les textes que nous venons de citer le montrent assez clairement : L'union à Dieu, en laquelle consiste normalement la pleine perfection de la vie chrétienne, n'est pas seulement une union active, fruit de notre activité personnelle, aidée de la grâce commune ; c'est aussi une union passive, fruit de la docilité au Saint-Esprit, aux divines inspirations des sept dons, qui grandissent normalement avec la charité.

Ainsi l'âme arrive normalement à une manière contemplative de prier, de lire l'Écriture, d'assister à la messe, en contemplant toujours plus profondément la valeur infinie du sacrifice de l'autel, qui perpétue en substance celui de la Croix. Elle arrive à une manière contemplative d'exercer l'apostolat, sans perdre l'union à Dieu, mais au contraire en la conservant, pour la donner aux autres.

A cet état d'union toutes les âmes intérieures sont-elles appelées ? - Sainte Catherine, ne répond-elle pas à cette question, en expliquant, au ch. 53, les paroles de Notre-Seigneur : Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive et des fleuves d'eaux vives couleront de sa poitrine. (Jean, VII, 37).

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CHAPITRE V
CONDUITE DE LA PROVIDENCE A L'ÉGARD DE CEUX QUI S'ABANDONNENT PLEINEMENT A ELLE

CHAPITRE VI
LA PROVIDENCE ET LE CHEMIN DE LA PERFECTION


V - Conclusion: L'Appel général


« Tous, dit le Dialogue, vous avez été appelés, en général et en particulier par ma Vérité, mon Fils, lorsque plein d'un ardent désir, il criait dans le temple : « Qui a soif vienne à moi et boive »... Ainsi vous êtes invités à la source d'eau vive de la grâce. Il vous faut donc passer par mon Fils, qui est devenu votre pont, et marcher avec persévérance, sans que ni épines, ni vents contraires, ni prospérités, ni adversités, ni d'autres peines que ce soit, vous puissent faire regarder en arrière. Persévérez, jusqu'à ce que vous me trouviez, Moi, qui vous donne l'eau vive ; et c'est par l'intermédiaire de ce doux Verbe d'amour, mon Fils unique, que je vous la donne... « La première condition, c'est d'avoir soif. Car ceux-là seuls qui ont soif sont invités : « QUI A SOIF, est-il dit, qu'il vienne et qu'il boive ». Celui donc qui n'a pas soif, ne saurait persévérer dans son voyage, la moindre fatigue l'arrête... la persécution l'épouvante et dès qu'elle l'effleure, le voilà qui tourne le dos. Il a peur parce qu'il est seul... Il faut donc que vous ayez soif...

« Lorsque l'homme est rempli de ma charité et de l'amour du prochain, il se trouve par là même accompagné de nombreuses et réelles vertus. C'est alors que l'âme est disposée à avoir soif, soif de la vertu, de mon honneur, et du salut des âmes... Alors elle se met en marche sur le chemin qui mène à la source d'eau vive... Arrivée là, l'âme passe par la porte du Christ crucifié, et goûte l'eau vive, en se désaltérant en moi, qui suis l'Océan de la Paix ».

Cette même idée est exprimée par sainte Catherine sous forme d'un autre symbole, au ch. 26, où le Père lui dit de passer par un pont qui relie la terre au ciel et qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ, la voie, la vérité et la vie. « Les pieds du Sauveur percés de clous, y est-il dit, doivent te servir de degré pour arriver au côté, qui est le second degré où te sera révélé le secret du cœur... Alors l'âme s'emplit d'amour, en voyant qu'elle est tant aimée. Elle monte alors du deuxième degré au troisième, c'est-à-dire à cette bouche pleine de douceur, où elle trouve la paix ».

Enfin quel est le signe par lequel on voit que l'âme est arrivée à l'amour parfait ? Le Seigneur l'explique à Catherine du ch. 74 au 79 : « Il me reste maintenant à te dire à quel signe l'on voit que l'âme est arrivée à l'amour parfait. Ce signe est celui-là même qu'on vit dans les apôtres, quand ils eurent reçu le Saint-Esprit.

Ils sortirent du cénacle, délivrés de toute crainte, ils annonçaient ma parole, et prêchaient la doctrine de mon Fils unique. Loin de redouter les souffrances, c'est de leurs souffrances qu'ils se faisaient gloire. Ceux qui ont la passion de mon honneur, et qui ont faim du salut des âmes courent à la table de la sainte Croix. Ils n'ont d'ambition que de souffrir et d'affronter mille fatigues pour le service du prochain... Ceux-là courent avec ardeur dans la voie du Christ crucifié ; ils suivent sa doctrine, et rien ne peut ralentir leur course, ni les injures, ni les persécutions, ni les plaisirs que le monde leur offre. Ils passent par-dessus tout cela, avec une force inébranlable, une persévérance que rien ne trouble, le cœur transformé par la charité, goûtant et savourant cette nourriture du salut des âmes, prêts à tout supporter pour elles. Voilà qui prouve, à n'en pas douter, que l'âme aime son Dieu à la perfection et sans aucun intérêt...

Si ces parfaits s'aiment eux-mêmes, c'est pour Moi ; s'ils aiment le prochain, c'est pour Moi, pour rendre honneur et gloire à mon nom... Au milieu de toutes les injures, c'est la patience qui brille et qui 'affirme sa royauté. A ceux-là je fais la grâce de sentir que je ne suis jamais séparé d'eux, tandis que dans les autres je m'en vais et je reviens, non que je leur retire ma grâce, mais bien le sentiment de ma présence. Avec ces très parfaits, parvenus à la grande perfection et qui sont morts entièrement à toute leur volonté, je n'agis pas de la sorte. Sans interruption je me repose en eux par ma grâce et par l'expérience que je leur donne de ma présence » (Ch. 78).

C'est là manifestement l'exercice éminent de la charité et du don de sagesse, qui nous donne, dit saint Thomas[126], la connaissance quasi expérimentale de Dieu présent en nous. C'est là vraiment la vie mystique, sommet du développement normal de la vie de la grâce, et prélude de la vie du ciel.

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CHAPITRE VI
LA PROVIDENCE ET LE CHEMIN DE LA PERFECTION


V - Conclusion: L'Appel général


Ceux qui connaissent la doctrine spirituelle de saint Thomas peuvent voir combien lui sont conformes ces paroles prononcées par sainte Catherine de Sienne en extase ; elles sont, croyons-nous, l'expression de la doctrine traditionnelle, qui se contente de mettre l'accent où il faut dans la lecture de l'Évangile, et des Épîtres. « Qui manet in caritate, in Deo manet, et Deus in eo. - Celui qui demeure dans l'amour, demeure en Dieu et Dieu demeure en lui » I Jean, IV, 16. « Unctio ejus docet vos de omnibus. - Son onction vous enseigne sur toute chose » I. Jean, II, 27.

« Spiritus testimonium reddit spiritui nostro quod sumus filii Dei. Si autem filii et heredes : heredes quidem Dei, coheredes autem Christi, si tamen compatimur ut et conglorificemur. L'Esprit de Dieu lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, pour être glorifiés avec lui ». Rom., VIII, 17.

« Mortui enim estis et vita vestra est abscondita cum Christo in Deo. Cum Christus apparuerit, vita vestra, tunc et vos apparebitis cum ipso in gloria. Vous êtes morts et votre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ. Quand Jésus-Christ, qui est votre vie, apparaîtra, alors vous apparaîtrez en gloire avec lui ». Coloss., III, 3. 4.

Avons-nous forcé le sens des textes du Dialogue ? Il vaut mieux dire que bien au contraire nous ne saurions les comprendre pleinement. Comme le disait Raphaël, « comprendre c'est égaler », et pour saisir pleinement le sens des textes que nous avons cités, c'est tout l'esprit de foi et toute la charité de Catherine de Sienne qu'il faudrait avoir.

Tel est d'après ce témoignage le chemin de la perfection tracé de toute éternité par Dieu dans le plan providentiel, pour conduire les âmes à leur destinée. C'est le chemin qui conduit à la source d'eau vive : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive et des fleuves d'eau vive couleront de sa poitrine... » « L'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant en vie éternelle ».

CINQUIÈME PARTIE
PROVIDENCE, JUSTICE ET MISÉRICORDE
CHAPITRE PREMIER - PROVIDENCE ET JUSTICE DIVINE


Après avoir parlé de la Providence en elle-même et de sa conduite à l'égard des âmes, il convient de la considérer dans son rapport avec la Justice divine et avec la Miséricorde. Comme en nous la prudence est connexe avec la justice et les autres vertus morales qu'elle dirige, en Dieu la Providence s'unit à la Justice et à la Miséricorde qui sont les deux grandes vertus de l'Amour de Dieu à notre égard. La Miséricorde est fondée sur le souverain Bien en tant qu'il est diffusif de soi, communicatif de lui-même. La Justice est fondée sur les imprescriptibles droits du souverain Bien à être aimé par-dessus tout.

Ces deux vertus, dit le Psalmiste, s'unissent dans toutes les œuvres de Dieu : « Omnes viæ Domini Misericordia et veritas » Ps. 24, 10. Mais, comme le remarque saint Thomas, Ia, q. 21, a. 4, en certaines œuvres divines apparaît davantage la justice, comme dans les châtiments infligés par Dieu, en d'autres apparaît surtout la Miséricorde, comme dans la justification ou conversion du pécheur.

La Justice, qui s'attribue analogiquement à Dieu, n'est pas la justice commutative, celle qui règle les échanges entre égaux, car nous ne pouvons rien offrir à Dieu qui ne lui appartienne déjà. La justice qui lui est attribuée est la justice distributive, analogue à celle du père à l'égard de ses enfants, eu à celle du meilleur des rois à l'égard de ses sujets.

C'est ainsi que par sa justice Dieu fait trois choses : 1° il donne à chaque créature ce qui lui est nécessaire pour atteindre sa fin, 2° il récompense les mérites, 3° il punit les fautes et les crimes, surtout lorsque le coupable ne demande pas Miséricorde.
Il importe pour nous de considérer comment la Providence dirige les actes de la justice : 1° dans le cours de notre existence, 2° au moment de la mort, 3° après cette vie.

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PROVIDENCE, JUSTICE ET MISÉRICORDE
CHAPITRE PREMIER - PROVIDENCE ET JUSTICE DIVINE

Providence et justice dans le cours de notre existence


La Providence et la Justice s'unissent pour nous donner pendant la vie présente ce qui nous est nécessaire pour atteindre notre fin, c'est-à-dire pour que nous puissions vivre honnêtement, selon la droite raison, pour que nous puissions connaître Dieu surnaturellement, l'aimer, le servir, et par ce moyen obtenir la vie éternelle.

Il y a sans doute ici parmi les hommes une grande inégalité de conditions naturelles et surnaturelles. Les uns sont riches, les autres pauvres ; les uns sont naturellement bien doués, les autres ont une nature ingrate, une santé débile, un tempérament chagrin. Mais le Seigneur ne commande jamais l'impossible, et nul n'est tenté au delà de ses forces aidées par la grâce qui lui est offerte. Sans doute le sauvage du centre de l'Afrique ou de l'Amérique a reçu beaucoup moins que nous ; mais s'il fait son possible selon que sa conscience le lui montre, il sera conduit par la Providence de grâce en grâce jusqu'à celle de la bonne mort ; la vie éternelle lui est accessible. Jésus est mort pour tous les hommes et parmi les adultes ceux-là seuls sont privés de la grâce nécessaire au salut, qui la refusent par leur résistance. Dieu, qui ne commande jamais l'impossible, offre à tous le nécessaire pour le salut.

Bien plus il n'est pas rare que la Providence et la Justice par la distribution des biens surnaturels compensent l'inégalité des conditions naturelles. Il n'est pas rare que le pauvre en sa simplicité plaise plus à Dieu que le riche, et reçoive de plus grandes grâces. Rappelons-nous la parabole du mauvais riche en saint Luc, XVI, 19-31 : « Il y avait un homme riche qui était vêtu de pourpre et de fin lin, et qui faisait chaque jour splendide chère. Un pauvre nommé Lazare, était couché à sa porte, couvert d'ulcères et souhaitant de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ; mais les chiens mêmes venaient lécher ses ulcères.

Or il arriva que le pauvre mourut et il fut porté par les anges dans le sein d'Abraham. Le riche mourut aussi,... et tandis qu'il était en proie aux tourments, il invoqua Abraham... qui lui répondit : « Mon fils, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie et que pareillement Lazare a eu ses maux : maintenant il est ici consolé, et toi, tu souffres. » C'est dire que parfois la Providence et la Justice divines par la distribution des biens surnaturels compensent l'inégalité des conditions naturelles.

Il est dit aussi dans les béatitudes évangéliques que celui qui est privé des joies d'ici-bas se sent parfois plus attiré que les autres vers les joies de la vie intérieure. Notre-Seigneur nous le fait entendre en disant : « Bienheureux les pauvres en esprit..., bienheureux les doux..., bienheureux ceux qui pleurent... ceux qui ont faim et soif de justice,... ceux qui souffrent persécution pour la justice, car le royaume des cieux est à eux ».

Certains de ses serviteurs, Jésus les aime cloués sur la croix, parce que ainsi ils sont plus semblables à Lui, par l'oblation effective de tout leur être pour le salut des pécheurs. Il continue à vivre en eux ; sa prière et sa souffrance durent en eux en quelque sorte jusqu'à la fin du monde, et surtout son amour, car l'amour parfait est la donation complète de soi.
Pour certaines personnes, toutes les routes de la vie à un moment se trouvent barrées ; aucun avenir humain ne s'offre plus à elles. C'est parfois le moment où une vocation supérieure leur est donnée. Certaines sont clouées sur un lit de douleur pendant de longues années. Il n'y a plus qu'une route ouverte, celle de la sainteté.

Ainsi la Providence et la Justice, en donnant à chacun le nécessaire, compensent souvent par la grâce l'inégalité des conditions naturelles. Elles nous récompensent aussi, dès cette vie, de nos mérites et nous rappellent nos grands devoirs par de salutaires avertissements, par des corrections bien méritées, qui sont des peines médicinales pour nous faire rentrer dans le droit chemin. Ainsi une mère qui aime son enfant d'un amour éclairé et fort, le corrige.

Si nous acceptons bien ces corrections salutaires, nous expions nos fautes et à leur occasion le Bon Dieu nous inspire une humilité plus sincère, un amour plus pur et plus fort. Les âmes se divisent selon qu'elles écoutent ou ne veulent pas écouter ces avertissements de Dieu.

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PROVIDENCE, JUSTICE ET MISÉRICORDE
CHAPITRE PREMIER - PROVIDENCE ET JUSTICE DIVINE

La Providence et la justice au moment de la mort


Généralement ceux qui dans le cours de leur vie ont été attentifs aux avertissements de la justice de Dieu et aux imprescriptibles droits du souverain Bien à être aimé par-dessus tout, ne sont pas surpris par la mort, et trouvent la paix à ce moment suprême.Mais d'ordinaire il en est tout autrement de ceux qui n'ont pas voulu entendre les avertissements divins, et qui dans le cours de la vie ont confondu l'espérance avec la présomption.

S'il est une chose qui dépend de la Providence, c'est l'heure de notre mort. « Tenez-vous prêts, dit Notre-Seigneur, car le Fils de l'homme viendra à l'heure que vous ne pensez pas » Luc, XII, 40. De même la manière dont nous mourrons, les circonstances de notre mort, tout cela est profondément inconnu pour nous, et relève de la divine Providence à laquelle nous devons nous confier, en nous préparant par une vie meilleure à bien mourir.
Et combien sont différentes, au point de vue de la Justice divine, la mort du juste et celle du pécheur impénitent.

La mort du pécheur impénitent est appelée dans l'Apocalypse, XX, 6, 14, une « seconde mort » ; car le pécheur était déjà mort spirituellement à la vie de la grâce, et si son âme se sépare du corps en cet état, elle sera pour toujours privée de cette vie surnaturelle. Daigne le Seigneur nous préserver de cette « seconde mort ».
Le pécheur, qui ne se repent pas, dit sainte Catherine de Sienne, « est au dernier moment avec son injustice, avec la lumière de la foi éteinte, cette lumière qu'il avait reçue vive au baptême, et qui a été étouffée par le vent de l'orgueil et de la vanité du cœur. Son cœur, il l'a tendu comme une voile à tous les souffles contraires au salut : la voile de l'amour-propre, largement ouverte à tous les vents de la flatterie, en descendant le fleuve des délices et des grandeurs du monde, en s'abandonnant aux séductions de la chair fragile, aux artifices et aux pièges du démon ».

« Le remords de la conscience (qu'il ne faut pas confondre avec le repentir) se réveille alors avec une telle vivacité, dit la sainte, qu'il ronge le pécheur au plus intime de lui-même. Il reconnaît à cette heure la vérité de ce qu'il méconnaissait auparavant. Le sentiment de son erreur le jette dans une grande confusion, et le démon est là... pour le pousser au désespoir ». Que dire, lisons-nous en ce Dialogue, de cette lutte, qui trouve le pécheur, désarmé, privé de la foi vive, qui est comme éteinte en lui, privé de l'espérance ferme, qu'il n'a pas nourrie, en se confiant au jour le jour au Seigneur et en travaillant pour lui ?

Le malheureux a placé son espoir en lui-même, sans voir que tout ce qu'il avait lui était prêté et qu'il faudrait en rendre compte un jour. Il est privé aussi de la flamme de la charité, de l'amour de Dieu qu'il a complètement perdu. Il se trouve seul dans sa nudité spirituelle, sans aucune vertu, et après avoir refusé d'entendre tant d'avertissements donnés au cours de la vie, de quelque côté qu'il se tourne, il ne voit que sujet de confusion. La justice divine n'a pas été assez considérée dans le cours de la vie. C'est son poids qui se fait sentir maintenant, et l'ennemi du bien cherche à faire croire au pécheur qu'il n'y a pas de Miséricorde pour lui. Combien il faut prier pour les agonisants ! Si nous le faisons, d'autres prieront pour nous au moment de notre mort.

A ces derniers instants la Miséricorde se penche encore sur le pécheur, comme elle se pencha sur Judas, lorsque Notre-Seigneur dit à la Cène (Matth., XXVI, 24) : « Malheur à l'homme par qui le Fils de l'homme sera trahi ! Mieux vaudrait pour lui que cet homme-là ne fût pas né ». Notre-Seigneur n'a pas dit encore quel est celui qui va le trahir, il est trop bon pour le révéler. Alors dit l'Évangile : « Judas qui le trahissait, prit la parole et dit : Est-ce moi, Maître ? » - « Tu l'as dit, répondit Jésus ». - Quand Judas après les autres apôtres dit le dernier : « Est-ce moi, Maître ? » il cherche à dissimuler, comme si l'on pouvait dissimuler devant Celui qui dès ici-bas voyait les secrets des cœurs.

Il faut remarquer, note saint Thomas dans son Commentaire sur ces mots, la mansuétude avec laquelle Jésus l'appelle encore ami et lui répond : Tu l'as dit, comme pour dire : « Ce n'est pas moi qui l'affirme, qui le révèle, mais c'est toi qui l'as dit ». Notre-Seigneur se montre là encore plein de longanimité et de Miséricorde, fermant les yeux sur les péchés des hommes pour leur donner encore un avertissement salutaire et les amener à la pénitence. C'est ce que nous dit l'Écriture dans ces paroles si touchantes : Longanimis (est Dominus) et multum misericors (Ps. 102, 8) ; dissimulans peccata hominum propter pœnitentiam (Sagesse, XI, 24). Que les doux écoutent et ils se réjouiront : Audiant mansueti et lœtentur.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE PREMIER - PROVIDENCE ET JUSTICE DIVINE


Ce dernier avertissement de Dieu nous permet de dire : Les pécheurs oseraient-ils affirmer que Dieu est un tyran pour eux ? C'est eux qui sont des tyrans pour eux-mêmes ; c'est eux qui manquent de bienveillance envers eux-mêmes et de bienveillance envers Dieu en lui refusant cette joie qu'il aurait à leur dire ce qu'il dit au sujet du prodigue : « mon fils était perdu et je l'ai retrouvé : perierat et inventus est ». Luc, XV, 32.

Oh ! si le pécheur décharge sa conscience par une sincère confession, par un acte de foi, de confiance en Dieu, de contrition, il est sauvé en cette dernière minute par la Miséricorde Divine, qui vient s'unir à la justice. Par la Miséricorde, chacun, à la mort, peut, s'il le veut, s'il ne résiste pas, se rattacher à l'espérance. Le repentir succède alors au remords.

Sans cela, l'âme succombe sous le remords en s'abandonnant au désespoir : péché plus grave encore que les précédents, péché qui n'a pas l'excuse de la faiblesse, de l'entraînement de la sensualité, péché par lequel le pécheur estime son crime plus grand que la Miséricorde Divine. Et une fois ce péché commis, l'âme ne s'afflige plus que de son propre malheur, et non pas du péché comme offense à Dieu ; cette affliction diffère hélas ! beaucoup de celle de l'attrition, et de la contrition.

Oh ! bienheureux le pécheur qui se repent alors, comme le bon larron, en pensant que « la Miséricorde Divine est, comme le dit Catherine de Sienne, incomparablement plus grande que tous les péchés que peuvent commettre toutes les créatures ensemble ».
Plus heureux encore le juste, qui a considéré toute sa vie le devoir à accomplir par amour, et qui, après avoir mérité et lutté ici-bas, désire la mort pour jouir de la vision de Dieu, un peu comme saint Paul qui désirait mourir pour être avec le Christ : « cupio dissolvi et esse cum Christo ». Phil., I, 23.

Une paix plus ou moins profonde, suivant la perfection de chacun, remplit généralement l'âme des justes à l'agonie, et parfois surtout l'âme de ceux qui ont le plus redouté dans le cours de la vie la justice divine. Leur mort est paisible, parce que leurs ennemis ont été vaincus pendant la vie. La sensualité a été réduite en esclavage, par le frein de la raison. La vertu triomphe de la nature, réprime la crainte naturelle de la mort, par le désir d'atteindre la fin dernière, le souverain Bien.

La conscience, qui s'est conformée pendant la vie à la justice, demeure tranquille, bien que le démon cherche à la troubler et à l'effrayer.

Alors, il est vrai, apparaît davantage la valeur du temps de l'épreuve, le prix de la vertu, et l'âme juste se reproche de n'avoir pas assez bien employé ce temps. Mais la peine qu'elle en éprouve n'est pas accablante ; elle est profitable et porte l'âme à se recueillir, pour se mettre en présence du précieux sang du Sauveur, de l'Agneau de Dieu, qui efface les péchés du monde.

La Miséricorde et la Justice s'unissent ainsi admirablement dans ce passage du temps à l'éternité. Le juste, en mourant, pressent le bonheur qui lui est préparé, il goûte déjà à sa destinée, et l'on peut en voir quelquefois un reflet sur ses traits.

La Providence et la Justice de l'autre vie

Sitôt après la mort la Providence et la Justice s'exercent par le jugement particulier. La révélation nous le dit assez clairement dans la parabole dont nous parlions tout à l'heure : celle du mauvais riche et du pauvre Lazare, dont les âmes sont définitivement jugées sitôt après avoir quitté ce monde. Saint Paul l'enseigne aussi clairement en plusieurs endroits : « Il nous faut tous comparaître devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qu'il a mérité étant dans son corps, selon ses œuvres, soit bien, soit mal ». – « J'ai le désir de partir et d'être avec le Christ ».

- « J'ai achevé ma course... il ne me reste plus qu'à recevoir la couronne de justice, que me donnera en ce jour-là le Seigneur, le juste Juge, et non seulement à moi, mais à tous ceux qui auront aimé son avènement ». - « Il est arrêté que les hommes meurent une seule fois, après quoi vient le jugement ».

L'Église primitive croyait universellement que les martyrs entrent aussitôt au ciel, et que les criminels non repentants, comme le mauvais larron, sont punis sitôt après la mort.

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CHAPITRE PREMIER - PROVIDENCE ET JUSTICE DIVINE

La Providence et la Justice de l'autre vie


La nature de ce jugement particulier, s'explique par l'état de l'âme séparée du corps ; dès qu'elle le quitte elle se voit comme substance spirituelle, comme un esprit pur se voit, et elle connaît aussitôt son état moral ; elle reçoit une illumination intérieure, qui rend inutile toute discussion ; la sentence est portée par Dieu, transmise par la conscience qui est l'écho de la voix de Dieu ; l'âme voit alors clairement ce qui lui est dû selon ses mérites et ses démérites qui lui sont alors nettement rappelés. C'est ce que dit symboliquement la liturgie dans le Dies iræ : Liber scriptus proferetur, in quo totum continetur : L'âme verra tout ce qui a été écrit à son sujet au livre de vie.

La justice infligera alors des peines proportionnées aux fautes, soit pour un temps, soit pour toujours. Le péché mortel, dont on ne veut pas se repentir avant la mort, est après elle comme une maladie incurable mais dans un sujet immortel dans l'âme. On s'est détourné, sans repentance, du Souverain Bien ; on a pratiquement nié sa dignité infinie de fin dernière, et l'on n'est pas revenu sur cette négation pratique quand il en était temps encore. C'est un désordre irréparable et conscient ; il y a remords mais sans repentir, l'orgueil et la révolte durent toujours et la peine qui leur est due dure toujours elle aussi; c'est surtout la privation perpétuelle de la vie divine de la grâce et de la vue de Dieu, de la béatitude suprême, avec la certitude d'avoir manqué pour toujours et par sa faute sa destinée.

La Justice de Dieu apparaît ici infinie ; c'est un mystère qui nous dépasse, comme celui de sa Miséricorde. Ici-bas les concepts ou idées que nous pouvons avoir de la Justice divine et des autres perfections de Dieu restent limités, bornés, malgré la correction que nous leur apportons par la négation de toute limite. Ils nous représentent en effet les attributs divins comme distincts les uns des autres, bien que nous ajoutions qu'il n'y a entre eux aucune distinction réelle. Il s'ensuit que ces idées bornées durcissent un peu la physionomie spirituelle de Dieu, comme lorsqu'on veut avec de petits carrés de mosaïque reproduire une physionomie humaine. Notre concept de justice étant distinct de celui de Miséricorde, il nous semble que la justice divine n'est pas seulement infiniment juste, mais qu'elle est trop raide, et la Miséricorde arbitraire.

Nous verrons dans la patrie que même les perfections divines, qui semblent le plus opposées, sont intimement fondues, qu'elles s'identifient sans pourtant se détruire dans la Déité, c'est-à-dire dans la vie intime de Dieu, que nous connaîtrons alors clairement et immédiatement. Alors nous verrons que la Justice et la Miséricorde n'existent à l'état pur, c'est-à-dire pures de toute imperfection, qu'en Dieu, et qu'en Lui la justice ne peut exister sans être unie à la Miséricorde et inversement que la Miséricorde ne peut être sans la Justice et la Providence, comme en nous les vertus cardinales sont connexes et ne sauraient se sépare. Voilà ce qui apparaît aux saints dès le jugement particulier, immédiatement suivi de leur entrée dans la gloire.

Une autre manifestation de la justice aura lieu au jugement universel, après la résurrection des corps, selon ces paroles du Credo : « Credo in Jesum Christum... qui venturus est judicare vivos et mortuos ». Notre-Seigneur dit en saint Matthieu, XXV, 31-46 : « Tous les peuples de la terre verront le Fils de l'homme venant sur les nuées du ciel avec une grande puissance et une grande majesté. Et il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité du ciel à l'autre. » Si Jésus n'était pas le Fils de Dieu, comment aurait-il pu prononcer, lui pauvre ouvrier de village, de telles paroles ? Ce serait la folie la plus manifeste ; tout nous montre au contraire qu'elles sont la sagesse même.

Ce jugement universel convient manifestement parce que l'homme n'est pas seulement une personne privée, mais il vit en société et ce jugement manifestera à tous la rectitude des voies de la Providence, la raison de ses décisions et leur résultat. La justice divine apparaîtra souverainement parfaite, alors que si souvent la justice humaine est boiteuse. La Miséricorde apparaîtra infinie à l'égard de tous les pécheurs repentants et pardonnés. Tout genou fléchira devant le Christ-Sauveur, victorieux du péché, du démon et de la mort. La gloire des élus apparaîtra aussi, celui qui aura été humilié sera élevé, et le règne de Dieu sera établi à jamais dans la lumière de gloire, dans l'amour et dans la paix.
C'est ce règne que nous désirons, en disant tous les jours dans le Pater : « Que votre règne arrive, que votre volonté (signifiée par vos préceptes et l'esprit des conseils) soit faite sur la terre comme au ciel.

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CINQUIÈME PARTIE
PROVIDENCE, JUSTICE ET MISÉRICORDE
CHAPITRE II -
PROVIDENCE ET MISÉRICORDE


Nous avons considéré les rapports de la Providence avec la Justice divine, qui distribue à tous les secours nécessaires pour atteindre leur fin, qui récompense les mérites et punit les fautes et les crimes. Il nous faut parler maintenant des rapports de la Providence avec la Miséricorde Divine.

Au premier abord il semble que la Miséricorde soit si différente de la Justice qu'elle lui soit contraire, il semble qu'elle s'oppose à la Justice et vienne restreindre les droits de celle-ci. En réalité deux perfections divines, si différentes soient-elles, ne peuvent être contraires l'une à l'autre ; l'une ne peut être la négation de l'autre ; mais, bien loin de là, elles s'unissent, avons-nous dit, jusqu'à s'identifier dans l'éminence de la Déité ou de la vie intime de Dieu.

La Miséricorde, loin de s'opposer à la Justice en la restreignant, s'unit à elle en la dépassant, dit saint Thomas. « Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité (ou justice), » lisons-nous dans le Psaume 24, 10. Mais, ajoute l'Apôtre saint Jacques : « La Miséricorde s'élève au-dessus de la Justice ». En quel sens faut-il l'entendre ? « En ce sens, dit saint Thomas, que toute œuvre de justice suppose une œuvre de Miséricorde ou de bonté toute gratuite et se fonde sur elle. Si, en effet, Dieu doit quelque chose à sa créature, c'est en vertu d'un don précédent... (S'il se doit de nous accorder la grâce nécessaire au salut, c'est que d'abord par pure bonté il nous a créés et nous a appelés à une béatitude surnaturelle ; et s'il doit récompenser nos mérites, c'est qu'il nous a d'abord donné la grâce pour mériter). La Miséricorde (ou la pure Bonté) est ainsi comme la racine et le principe de toutes les œuvres de Dieu ; elle les pénètre de sa vertu et les domine. A titre de source première de tous les dons, c'est elle qui influe le plus fortement et c'est pourquoi elle dépasse la Justice, qui vient seulement en second lieu et lui reste subordonnée ».

La Justice est comme une branche sur l'arbre de l'Amour de Dieu ; la Miséricorde ou la pure bonté, communicative et rayonnante, c'est l'arbre même.

Nous allons le mieux entendre en considérant notre propre vie. Il convient de considérer les rapports de la Providence et de Miséricorde, comme nous l'avons fait en parlant de la Justice, premièrement dans le cours de la vie présente, deuxièmement à l'article de la mort, et troisièmement dans l'autre vie.

Providence et Miséricorde dans le cours de notre existence

Si la Justice divine dans la vie présente donne à chacun le nécessaire pour vivre comme il faut et atteindre sa fin, la Miséricorde, elle, donne bien au delà du strict nécessaire. En ce sens, elle dépasse la Justice.

Par exemple, Dieu pouvait nous créer dans un état purement naturel, nous donner seulement une âme spirituelle et immortelle, sans la grâce ; c'est par pure bonté qu'il nous a donné dès le jour de la création, de participer surnaturellement à sa vie intime ; il nous a donné la grâce sanctifiante, principe de nos mérites surnaturels.

De même, après notre chute, il pouvait en justice nous laisser dans la déchéance. Il pouvait aussi nous relever du péché par un simple pardon, annoncé par un prophète, à telles et telles conditions. Il a fait infiniment plus : par pure Miséricorde, il nous a donné son propre Fils, comme victime rédemptrice ; et nous pouvons toujours faire appel aux mérites infinis du Sauveur. La Justice ne perd pas ses droits, mais la Miséricorde l'emporte.

Après la mort de Jésus, il suffisait que nos âmes soient portées par des grâces intérieures et par la prédication de l'Évangile ; la divine Miséricorde nous a donné beaucoup plus : elle nous a donné l'Eucharistie, qui perpétue en substance le sacrifice de la Croix sur nos autels et nous en applique les fruits.

Enfin chacun de nous, en naissant dans une famille chrétienne et catholique, a reçu de la Divine Miséricorde incomparablement plus que le nécessaire accordé par Dieu au sauvage du centre de l'Afrique. Avec ce nécessaire, s'il ne résiste pas aux premières grâces prévenantes, ce sauvage recevra les autres grâces indispensables au salut. Mais nous avons reçu depuis l'enfance bien davantage. Si nous y prenons garde nous avons été conduits par les mains invisibles de la Providence et de la Miséricorde, qui nous a préservés de bien des faux pas, et nous a individuellement relevés après nos chutes.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE II -
PROVIDENCE ET MISÉRICORDE

Providence et Miséricorde dans le cours de notre existence


De même encore si la Justice divine récompense dès ici-bas nos mérites, la Miséricorde nous a donné au delà de nos mérites.

Il est dit dans l'oraison du XIe dimanche après la Pentecôte : « Dieu tout-puissant et éternel, qui dans l'effusion de vos bontés surpassez les mérites et les désirs de ceux qui vous prient, répandez sur nous votre Miséricorde, faites-nous remise des châtiments que notre conscience nous fait craindre et accordez-nous ce que nous n'osons attendre de nos prières, par Jésus-Christ Notre-Seigneur ».

La grâce de l'absolution après un péché mortel n'est pas méritée, c'est un don gratuit. Combien de fois nous a-t-il été accordé !

De même la grâce de la communion n'est pas obtenue par nos mérites ; elle est le fruit du sacrement de l'Eucharistie qui par lui-même la produit en nous, et tous les jours, si nous le voulons. Que de communions la Miséricorde Divine nous a accordées !

Pensons que si nous étions fidèles à combattre toute attache au péché véniel, chacune de nos communions deviendrait substantiellement plus fervente que la précédente ; puisque chacune doit, non seulement conserver, mais augmenter en nous la charité, et nous disposer ainsi à recevoir Notre-Seigneur le lendemain avec une ferveur substantielle, une promptitude de volonté, non seulement égale, mais plus grande.

Si nous étions attentifs à cette loi d'accélération de l'amour de Dieu dans l'âme des justes, nous serions dans l'admiration. Nous verrions que de même que la pierre tombe d'autant plus vite qu'elle se rapproche de la terre qui l'attire, ainsi les âmes justes doivent marcher d'autant plus vite vers Dieu qu'elles se rapprochent de lui et qu'elles sont par suite plus attirées par lui.

On comprend dès lors la parole du Psaume : « Misericordia Domini plena est terra ». « La terre est remplie de la Miséricorde du Seigneur ». Ps. 32, 5. Et les pécheurs peuvent dire comme il est écrit dans le Psaume 89, 14 : « Reviens, Seigneur, aie pitié de nous, rassasie-nous le matin de ta bonté, et nous serons dans la joie et l'allégresse. ».

Si nous voyions le cours de notre existence, tel qu'il est écrit au livre de vie, combien y verrions-nous d'interventions de la Providence et de la Miséricorde, qui sont venues reconstituer la chaîne de nos mérites qui avait été peut-être souvent brisée par nos péchés.

Mais non moins belle est l'intervention de la Miséricorde au moment suprême.

Providence et Miséricorde à l'article de la mort

Si la Justice seule intervenait à ce moment, tous ceux qui ont mal vécu mourraient de même : après avoir négligé tant d'avertissements de la Providence, ils ne répondraient pas non plus au dernier, et leur remords ne se changerait pas en repentir salutaire. Mais, grâce à la Miséricorde, ce dernier appel se fait plus pressant. Si la Justice inflige la peine due au péché, la Miséricorde ici encore la dépasse, en pardonnant.

Pardonner veut dire « donner au delà » de ce qui est dû. Les droits de la Justice sont sauvegardés, mais la Miséricorde l'emporte, en inspirant souvent au pécheur qui va mourir un grand acte d'amour de Dieu, de contrition, qui efface le péché et la peine éternelle due au péché mortel.

Ainsi par l'intervention de la Miséricorde, par les mérites infinis du Sauveur, par l'intercession de Marie, refuge des pécheurs, et de Joseph, patron des mourants, beaucoup meurent autrement qu'ils n'ont vécu .Ce sont les ouvriers de la dernière heure, dont il est parlé dans la parabole évangélique (Matthieu, XX, 9) ; ils reçoivent comme les autres la vie éternelle au degré proportionné aux quelques actes méritoires qu'ils ont accomplis avant de mourir, dans leur agonie.

Ainsi expira le bon larron, qui, touché de la bonté de Jésus mourant, se convertit, et eut le bonheur d'entendre le Sauveur lui dire : « Tu seras avec moi ce soir en paradis ».

Source : Livres-mystiques.com

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Providence et Miséricorde à l'article de la mort


Ces interventions de la Miséricorde à l'article de la mort sont une des choses les plus sublimes de la vraie religion. Ce fut assez clair souvent pendant la dernière guerre ; beaucoup, en y mourant de façon tragique après une absolution, ont été sauvés, qui se seraient peut-être perdus s'ils avaient continué à vivre dans les circonstances ordinaires, au milieu de leurs occupations et de leurs plaisirs.

De même, là où les hôpitaux sont chrétiens, combien de pauvres gens, avertis par la maladie qui va les emporter, vont se préparer à une bonne mort en ces hôpitaux, entendre les paroles d'une religieuse et celles d'un prêtre qui finalement les réconcilie avec Dieu après des trente et quarante ans de vie presque indifférente et qui laissait beaucoup à désirer.

La Miséricorde Divine appelle tous les mourants ; Jésus a dit : « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et qui ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai » (Matth., XI, 28). Il est mort pour tous les hommes. Il est l'Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde, comme il est rappelé dans les belles prières pour les agonisants.

La mort du pécheur repentant est une des plus grandes manifestations de la Divine Miséricorde. Il y a de cela les exemples les plus frappants, dans la Vie de sainte Catherine de Sienne écrite par son confesseur le bienheureux Raymond de Capoue.

A force de prier pour deux criminels condamnés au dernier supplice, et qui blasphémaient pendant qu'on les torturait avec des tenailles brûlantes, elle obtint que Notre-Seigneur apparût tout couvert de ses blessures à ces misérables condamnés, les invitant à se convertir et leur promettant le pardon.

Ils demandèrent alors très instamment un prêtre, confessèrent leurs péchés avec une vive contrition, changèrent leurs blasphèmes en louanges, et allèrent joyeusement à la mort, comme aux portes du ciel. Les témoins de ce fait en furent extrêmement surpris et ne surent à quelle cause il fallait attribuer un si subit changement de leurs dispositions intérieures.

Une autre fois la sainte assista elle-même au supplice du jeune noble Nicolas Tuldo, condamné à mort pour avoir mal parlé du gouvernement. Comme il tenait excessivement à la vie et ne pouvait accepter une peine qui lui paraissait si injuste, elle prépara elle-même son âme à paraître devant Dieu.

Elle raconta ainsi cette mort dans une lettre à son confesseur Raymond de Capoue : « En m'apercevant (au lieu du supplice), il s'est mis à sourire. Il a voulu que je trace sur lui le signe de la croix. Je l'ai fait, puis je lui ai dit : « A genoux ! aux noces, mon doux frère ! Tu vas avoir la vie qui ne finit jamais ».

Alors, il s'est étendu avec une grande douceur et je lui ai étendu le cou. Penchée sur lui, je lui rappelais le sang de l'Agneau ! Lui ne savait que répéter : Jésus ! Catherine ! Il le redisait encore quand j'ai reçu sa tête dans mes mains. Alors j'ai fixé mon regard sur la divine Bonté et j'ai dit : « Je veux ! »

« Et j'ai vu, comme on voit la clarté du soleil, l'Homme-Dieu, le côté ouvert. Il recevait le sang dans son Sang, et le feu du saint désir donné par grâce à cette âme dans le feu de sa divine Charité ».

Si la mort du pécheur repentant est une manifestation de la Miséricorde Divine, plus belle encore est la mort du juste qui a toujours été fidèle. Ses derniers instants sont généralement paisibles, parce qu'il a vaincu ses ennemis pendant sa vie, et que l'âme est préparée à son passage à l'éternité.

Le juste fait alors de sa mort, en union avec les messes qui se célèbrent, un dernier sacrifice de réparation, d'adoration, d'action de grâces et de supplication pour obtenir la dernière grâce de la persévérance finale, qui porte avec elle l'assurance du salut.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE II -
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Providence et Miséricorde après la mort


« La Miséricorde et la Justice, nous a dit l'Écriture, s'unissent dans toutes les œuvres de Dieu » (Ps. 24, 10), bien que la première domine en certaines œuvres comme la conversion du pécheur, et la seconde en d'autres comme le châtiment dû au péché.

C'est ainsi qu'après la mort, « la Miséricorde, dit saint Thomas[149], s'exerce même à l'égard des réprouvés, en ce sens qu'ils sont punis moins qu'ils ne le méritent ». Si la Justice seule intervenait, ils souffriraient plus encore. Sainte Catherine de Sienne parle de même. La Miséricorde vient adoucir la Justice même à l'égard de ceux qui ont soulevé la haine entre les individus, entre les classes, entre les peuples, même à l'égard des plus pervers, de ces monstres, qui ont montré comme un Néron une malice raffinée, et une opiniâtreté qui a résisté à tous les conseils.

Évidemment la Miséricorde Divine s'exerce plus encore à l'égard des âmes du purgatoire, en leur inspirant l'amour de la réparation, amour qui adoucit en quelque sorte la vive douleur purificatrice qu'elles éprouvent, et confirme leur certitude du salut.

Au ciel, la Miséricorde Divine éclate dans les saints, selon le degré de leur amour de Dieu. Notre-Seigneur les accueille en disant, comme il est rapporté en saint Matthieu, XXV, 34 : « Venez, les bénis de mon Père ; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès l'origine du monde. Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais étranger, et vous m'avez recueilli ; nu, et vous m'avez vêtu ; malade, et vous m'avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi. »

Les justes répondront : « Seigneur, quand avons-nous vu que vous aviez faim... que vous aviez soif... et sommes-nous venus à vous ? » Et le Roi leur répondra : « En vérité, je vous le dis, toutes les fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi-même que vous l'avez fait ».

Quelle joie sera celle de l'instant de notre entrée dans la gloire, quand nous recevrons la lumière de gloire pour voir Dieu face à face de cette vision qui ne finira plus et qui aura pour mesure l'unique instant de l'immobile éternité.

Quelle consolation de penser à cette infinie Miséricorde, qui est au-dessus de toute malice et qui ne saurait être épuisée. C'est pourquoi nulle rechute, si honteuse ou si criminelle qu'elle soit, ne doit porter le pécheur au désespoir. Le plus grand outrage qu'on puisse faire à Dieu, c'est de penser qu'il n'est pas assez bon pour nous pardonner. Comme nous l'a déjà dit sainte Catherine de Sienne, « sa Miséricorde est incomparablement plus grande que tous les péchés que peuvent commettre toutes les créatures ensemble ».

Soyons attentifs aux paroles des Psaumes que la liturgie nous rappelle souvent à ce sujet : Misericordias Domini in æternum cantabo... Je chanterai à jamais les Miséricordes du Seigneur... Dans les cieux tu as établi ta fidélité... Tu es puissant, Seigneur, et ta fidélité t'environne... C'est toi qui domptes l'orgueil de la mer, et la présomption des méchants, pour venir au secours des faibles ». (Ps. 88, 2...)

« Misericors Dominus, longanimis et multum Misericors. Le Seigneur est Miséricordieux et compatissant, lent à la colère et riche en bonté. Ce n'est pas pour toujours qu'il réprimande. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant sa bonté est grande. Comme un père a compassion de ses enfants, il a compassion de ceux qui le craignent, car il sait de quoi nous sommes formés. Il se souvient que nous sommes poussière.

« L'homme ! Ses jours sont comme l'herbe ; il fleurit comme la fleur des champs. Qu'un souffle passe sur lui, il n'est plus... Mais la Miséricorde de Dieu dure à jamais pour ceux qui le craignent. Misericordia autem Domini ab æterno et usque in æternum super timentes eum » Ps. 102, 8-17.

Daigne le Seigneur réaliser en nous ces divines paroles, pour que nous le glorifiions à jamais : « Misericordias Domini in æternum cantabo ».
Rarement les rapports de la Miséricorde, de la Justice et de la Providence ont été mieux exprimés que dans le Dies iræ.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE II -
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Providence et Miséricorde après la mort


Dies iræ, dies illa, solvet sæclum in favilla... Jour de colère, jour terrible, où l'univers sera réduit en cendres, selon les oracles de David et les prédictions de la Sibylle.
Quantus tremor est futurus, Quando Judex est venturus... Quelle sera la terreur des hommes, lorsque le souverain Juge viendra scruter toutes leurs actions, cuncta stricte discussurus !

Mors stupebit et natura, Cum resurget creatura, Judicanti responsura : La nature et la mort seront dans l'effroi, quand l'homme ressuscitera pour répondre à son Juge.
Liber scriptus proferetur, In quo totum continetur, Unde mundus judicetur. Alors sera présenté un livre qui contient tout ce qui doit être la matière du jugement universel sur le monde.

Judex ergo cum sedebit, Quidquid latet apparebit : Nihil inultum remanebit. Quand le juge sera assis sur son tribunal, tout ce qui était caché sera révélé, aucun crime ne demeurera impuni...

Rex tremendæ majestatis, Qui salvandos salvas gratis, Salve me, fons pietatis. O Roi, dont la majesté est si redoutable, qui sauvez vos élus par une Miséricorde gratuite, qui salvandos salvas gratis, sauvez-moi, ô source de bonté !

Recordare Jesu pie, Quod sum causa tuæ viæ, Ne me perdas illa die. Souvenez-vous, ô Jésus, plein de douceur, que pour moi vous êtes descendu du ciel, ne me perdez pas en ce jour.

Quærens me, sedisti lassus : Redemisti, crucem passus : Tantus labor non sit cassus. Vous vous êtes épuisé de lassitude en me cherchant ; vous m'avez racheté par les souffrances de la croix : qu'un si grand travail ne soit point sans fruit !

Juste judex ultionis, Donum fac remissionis, Ante diem rationis. O Juge qui punissez avec justice, accordez-moi le pardon de mes fautes avant le jour de votre jugement...
Qui Mariam absolvisti, Et latronem exaudisti, Mihi quoque spem dedisti. Vous avez absous Marie-Madeleine, et pardonné au bon larron ; à moi vous me donnez l'espoir...

Oro supplex et acclinis, Cor contritum quasi cinis, Gere curam mei finis. Prosterné, suppliant, le cœur brisé, comme réduit en cendres, pitié, Seigneur, à mon dernier moment...
Huic ergo parce Deus : Pie Jesu Domine, Dona eis requiem. Ayez pitié de nous, mon Dieu ! Doux Jésus, ô Seigneur, donnez-nous l'éternel repos. Amen.

Prenons l'habitude de prier pour les agonisants pour que la Miséricorde Divine s'incline sur eux, et nous-mêmes nous serons ainsi assistés par la prière d'autres âmes au moment de notre mort. Nous ne savons pas où et comment nous mourrons, peut-être serons-nous seuls, mais si nous avons souvent prié pour les agonisants, si nous avons souvent dit avec attention et avec cœur : « Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort », alors la Miséricorde s'inclinera aussi sur nous, au moment suprême.

CHAPITRE III
LA PROVIDENCE ET LA GRACE DE LA BONNE MORT


Une des questions vitales, qui doit le plus intéresser toutes les âmes, quel que soit l'état où elles se trouvent, est celle de la bonne mort, question sur laquelle saint Augustin écrivit un de ses derniers et de ses plus beaux livres, où s'exprime sa pensée définitive sur le mystère de la grâce, De dono perseverantiæ.

Cette question vitale a été entendue en des sens très différents et radicalement opposés par les semipélagiens d'une part et par les protestants et les jansénistes de l'autre. C'est même à l'occasion de ces hérésies contraires que l'Église a précisé sa doctrine sur ce point, en montrant toute l'élévation de la vérité au milieu et au-dessus des erreurs extrêmes.
Rappelons brièvement ces erreurs, pour mieux voir par contraste le prix de la vérité, pour mieux saisir ce qu'est la grâce de la bonne mort ; nous verrons ensuite comment nous pouvons l'obtenir.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE III
LA PROVIDENCE ET LA GRACE DE LA BONNE MORT

La doctrine de l'Église et les erreurs contraires


Les semipélagiens ont soutenu que l'homme peut avoir sans la grâce l'initium fidei et salutis, le commencement de la foi salutaire et de la bonne volonté, que le Seigneur affermit ensuite. Ce n'est pas Lui qui ferait le premier pas vers le pécheur pour le convertir, c'est le pécheur qui ferait le premier pas vers Dieu. D'après les mêmes principes, les semipélagiens soutenaient que l'homme, une fois justifié par la grâce, peut persévérer jusqu'à la mort sans une grâce spéciale ; il suffit, disaient-ils, que l'initium salutis, qui est la bonne volonté naturelle, subsiste pour que le juste persévère jusqu'à la fin.

Cela revenait à dire non seulement que Dieu veut sauver les hommes, mais qu'il veut également les sauver tous, et qu'il est, non pas l'auteur, mais le spectateur de ce qui discerne le juste de l'impie, de l'initium salutis et, de la bonne disposition finale, en tant qu'elle se trouve en celui-ci plutôt qu'en celui-là, en Pierre plutôt qu'en Judas.
C'était nier le mystère de la prédestination et oublier les paroles de Notre-Seigneur : « Personne ne vient à moi, si mon Père ne l'attire » (Jean, VI, 44), paroles qui s'appliquent au premier et au dernier élan de notre cœur vers Dieu. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire », avait dit encore Notre-Seigneur (Jean, XV, 5). Et comme le rappelle le IIe Concile d'Orange contre les semipélagiens, saint Paul avait ajouté « Qui est-ce qui te discerne ? Qu'as-tu que tu ne l'aies reçu ? » (I Cor., IV, 7). « Nous ne sommes pas capables de tirer de nous-mêmes, comme venant de nous-mêmes, la moindre pensée, profitable pour le salut » (II Cor., III, 5), à plus forte raison le moindre désir salutaire, qu'il s'agisse du premier ou du dernier.

Aussi saint Augustin montra-t-il que la première grâce et la dernière grâce sont particulièrement gratuites : la première grâce prévenante ne saurait être méritée, ni due en quelque manière à un bon mouvement naturel, puisque le principe du mérite est la grâce sanctifiante, et que celle-ci est un don gratuit, comme son nom l'indique, une vie toute surnaturelle non seulement pour l'homme, mais pour l'ange lui-même. Saint Augustin montra aussi que la dernière grâce, celle de la persévérance finale, est un don spécial, la grâce spéciale des élus, que personne, dit Notre-Seigneur, ne peut arracher de la main de son Père, « nemo potest rapere eos de manu Patris mei » (Jean, X, 29).

Il ajoutait que lorsque cette grâce est accordée, c'est par Miséricorde ; si au contraire elle n'est pas donnée, c'est par un juste châtiment de fautes, généralement réitérées, qui ont éloigné l'âme de Dieu. On le voit par la mort du bon larron et par celle du mauvais.

Pour saint Augustin, deux grands principes dominent cette question. Le premier est que les élus sont, non seulement connus d'avance, mais plus aimés par Dieu. Saint Paul avait dit : « Qui te discerne ? Qu'as-tu que tu ne l'aies reçu ? » (I Cor., IV, 17). Saint Thomas dira : « Comme l'amour de Dieu est cause de tout bien, nul ne serait meilleur qu'un autre, s'il n'était plus aimé par Dieu » (Ia, q. 20, a. 3).

L'autre principe nettement formulé par saint Augustin est que Dieu ne commande jamais l'impossible ; mais, en commandant, il nous ordonne de faire ce que nous pouvons et de demander la grâce pour accomplir ce que nous ne pouvons pas : « Deus impossibilia non jubet, sed jubendo monet et facere quod possis et petere quod non possis ». Ces paroles du De Natura et gracia, c. 43, n° 50, de saint Augustin, sont citées par le Concile de Trente (Denzinger, n° 804) ; elles montrent que Dieu par amour veut rendre et rend réellement possible à tous le salut ou l'accomplissement de ses préceptes ; quant aux élus, il les leur fait accomplir jusqu'à la fin.

Comment ces deux grands principes, si certains, si incontestables l'un et l'autre, se concilient-ils intimement ? Aucune intelligence créée, humaine ou angélique, ne peut le voir, avant d'avoir reçu la vision béatifique. Il faudrait voir comment se concilient, dans la Déité, l'infinie Miséricorde, l'infinie justice et la souveraine liberté il faudrait avoir la vision immédiate de l'essence divine.

Les principes ainsi opposés par saint Augustin au semipélagianisme furent approuvés en substance, on le sait, par le IIe Concile d'Orange. Il reste ainsi que la grâce de la bonne mort est une grâce spéciale, propre aux élus.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE III
LA PROVIDENCE ET LA GRACE DE LA BONNE MORT

La doctrine de l'Église et les erreurs contraires


Contrairement au semipélagianisme, le protestantisme et aussi le jansénisme ont faussé le premier principe formulé par saint Augustin, en niant le second ; sous prétexte d'affirmer le mystère de la prédestination, ils ont nié la volonté salvifique universelle et soutenu que Dieu commande parfois l'impossible, et qu'au moment de la mort la fidélité aux préceptes divins n'est pas possible à tous.

On connaît la Ire proposition extraite de l'ouvrage de Jansénius (Denzinger, n° 1092)[153] : Certains commandements de Dieu, selon cette proposition, sont impossibles même pour des hommes justes et non pas seulement pour des justes négligents, somnolents ou n'ayant pas le plein usage de leur raison et de leur volonté, mais pour des justes qui veulent accomplir les préceptes et s'efforcent même de les pratiquer, justis volentibus et conantibus.

Même pour eux l'accomplissement de certains préceptes est impossible, car la grâce qui le rendrait possible leur fait défaut.

Proposition désespérante qui montre toute la distance qui sépare le jansénisme de la vraie doctrine de saint Augustin et de saint Thomas : « Deus impossibilia non jubet ». Cette grave erreur est la négation de la justice de Dieu, et donc de Dieu même ; c'est à plus forte raison la négation de sa miséricorde, de la grâce suffisante offerte à tous ; c'est même la négation de la vraie liberté humaine (libertas a necessitate). Enfin le péché de ce point de vue devient inévitable, dès lors il n'est plus péché, et ne pourrait être sans cruauté éternellement puni.

Les mêmes principes erronés conduisirent les protestants à soutenir que non seulement la prédestination est gratuite, mais que les bonnes œuvres ne sont pas nécessaires au salut des adultes, que la foi suffit. D'où la parole de Luther : « Pecca fortiter et crede fortius ». Pèche fortement, mais crois plus fermement encore à l'application qui t'est faite des mérites du Christ et à ta prédestination.

Ceci n'est plus l'espérance, c'est une impardonnable présomption. Car le jansénisme et le protestantisme oscillent entre la présomption et le désespoir, sans pouvoir trouver la véritable espérance chrétienne et la charité.

Contre cette hérésie le Concile de Trente (sess. VI, cap. 13 et canon 16; Denzinger, nos 806 et 826) définit : « Bien que nous devions tous espérer fermement en Dieu, personne ne peut avoir, sans une révélation spéciale, la certitude absolue qu'il persévérera jusqu'à la fin ».

Le Concile cite ici les paroles de saint Paul : « Ainsi, mes bien-aimés, comme vous avez toujours été obéissants, travaillez à votre salut avec crainte et tremblement... car c'est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire selon son bon plaisir » (Philipp., II, 12).

« Que celui qui croit être debout, prenne garde de tomber » (I Cor., X, 12). Qu'il mette sa confiance dans le Tout-Puissant, seul capable de relever celui qui tombe et de conserver le juste, « qui potens est eum, qui stat, statuere » (Rom., XIV, 4), pour qu'il reste debout dans un monde corrompu et pervers.

Ainsi l'Église maintient la doctrine de l'Évangile au-dessus des divagations de l'erreur, ici au-dessus des hérésies contraires du semipélagianisme et du protestantisme. D'une part les élus sont plus aimés que les autres, mais d'autre part Dieu ne commande jamais l'impossible et veut par amour rendre réellement possible à tous la fidélité à ses préceptes.

Il reste donc, contrairement au semipélagianisme, que la grâce de la bonne mort est un don spécial, et, contrairement au protestantisme et au jansénisme, que, parmi les adultes, ceux-là seuls sont privés du dernier secours qui le refusent, en résistant à la grâce suffisante qui leur est offerte, comme le fit le mauvais larron, si près du Christ rédempteur.

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